mages He Qi

« L’amour qui meut le soleil et les autres étoiles »

Quels seront mes vœux pour cette nouvelle année ? Qu’elle soit à nouveau une année de grâce. C’est-à-dire une année où nous fassions tout particulièrement l’expérience de l’amour de Dieu, comme l’ont fait les mages venant à la crèche.

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Par l’étoile, Dieu a conduit les mages vers l’enfant. Par un songe, il les a avertis. Il les a appelés, conduits, gardés, orientés avertis : que d’amour envers eux ! Nous aussi, nous pouvons croire que Dieu nous aime ainsi. Nous pouvons faire mémoire comment il l’a fait durant cette dernière année.  Nous pouvons renouveler notre confiance qu’il continuera à le faire pour l’année qui s’ouvre devant nous.

C’est un amour à la fois fort et tendre, infini et personnel, tout puissant et fragile. Il s’est manifesté dans cette étoile qui conduit les mages. Une étoile étonnante : elle avance et s’arrête. Elle est déterminée par une puissance qui ne se trouve pas en elle. L’entrée du Fils de Dieu dans le monde introduit dans l’univers une force qui est plus grande que l’univers. Jean Chrysostome écrit à ce sujet : « Lorsque l’étoile parvint au-dessus de l’enfant, elle s’arrêta et cela ne pouvait être que le fait d’une puissance que les astres n’ont pas : c’est-à-dire, d’abord se cacher, puis apparaître à nouveau, et enfin, s’arrêter (Homélie sur l’Evangile de Matthieu, 7, 3).

 

L’amour qui meut…est le Christ

 Dans le dernier vers de la Divine Comédie, Dante définit Dieu comme « l’amor che move il sole e l’altre stelle », l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles (Paradis, xxxiii, 145). Cela signifie que les étoiles, les planètes, l’univers tout entier ne sont pas gouvernés par une force aveugle, mais par une volonté personnelle, l’Esprit de Dieu, qui dans le Christ s’est révélé comme Amour. Cet amour est le fil d’or qui relie toutes les parties de la création entre elles.

Comme cela est différent de l’astrologie, qui nous met en présence de forces astronomiques impersonnelles et sans âme. Nous ne sommes ni déterminés, ni prisonniers d’un destin, mais nous sommes libres, capables de répondre à la liberté créatrice de Dieu (cf Col 2,8). Ce n’est pas un moteur anonyme qui fait tourner les étoiles, organise l’univers immense et gouverne toutes choses, mais un Dieu personnel, qui s’est révélé comme Père, Epoux, Ami, Frère. Il s’est uni à notre chair mortelle une fois pour toutes et a partagé pleinement notre condition, en manifestant la puissance surabondante de sa grâce.  

Nous pouvons encore aller plus loin, grâce au Christ. L’Amour qui meut l’étoile des mages, les Galaxies et anime toutes choses ici-bas, jusqu’à la feuille morte qui tombe de l’arbre, est le Christ incarné qui a vécu parmi nous dans l’humilité, qui est mort sur une croix et qui est ressuscité.  Avec la résurrection d’entre les morts, il a obtenu « en tout la primauté » (Col 1, 18). Jésus l’affirme aussi en apparaissant aux disciples après la résurrection : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28, 18). Jésus ressuscité est l’amour puissant qui anime tout, soutient tout et oriente tout vers la récapitulation de toutes choses. Et il vit parmi nous ! Au milieu de nous agit « l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles » !

Les mages ont rencontré ce Dieu personnellement, c’est l’expérience que nous pouvons faire un jour et qui devient l’axe de notre vie. Pour certains cela a pu être une découverte fulgurante, qui nous met à genoux et nous conduit à adorer ce Dieu dont on pressentait l’existence, comme cela fut le cas pour les mages. Il arrive qu’une parole, un événement transperce notre âme et ouvre une brèche où l’amour de Dieu peut s’introduire et illuminer notre être intérieur et le renouveler entièrement.

 

Un amour qui illumine

Je me souviens, en 1975, je participais à une rencontre entre étudiants en théologie, combien j’ai été touché par un professeur qui a témoigné de sa foi en l’amour de Dieu pour toute vie. Cela a produit comme une trouée dans mon cœur et m’a conduit à me mettre à genoux et m’humilier devant cet amour de Dieu, que j’ai découvert subitement.

Puis, le lendemain, j’ai fait une expérience inoubliable, toujours présente à mon esprit. Une visite du Verbe, qui a saisi mon être tout entier. Il m’a découvert son amour, m’a enveloppé de sa grâce et formé en moi la conviction qu’il est amour, qu’il est Père et Providence.

Je pense que cette « grande joie », qui a saisi les mages, devait être ce que j’avais alors un peu vécu, par la grâce de Dieu. La joie qui vient de la manifestation de Dieu comme Amour. Cette joie conduit à une toute nouvelle connaissance de Dieu. En entrant dans la maison de Bethléem, les mages savent maintenant qui est Dieu. Il est présent dans une mangeoire. Ils voient tout l’amour qui entoure cet enfant, la lumière qui jaillit de lui. Cet amour illumine leur esprit et les convertit d’une manière radicale. Ils ne seront plus les mêmes dans leur manière d’être, de parler, de concevoir le monde. Cette étoile qui était au dessus de la maison du Christ, est maintenant entrée dans leur âme. Elle ne leur est plus extérieure, mais intérieure à eux. Ils sont devenus eux-mêmes lumière.

La prophétie d’Esaïe s’est accomplie en eux : « Mets-toi debout, deviens lumière, car elle arrive ta lumière, la gloire du Seigneur sur toi s’est levée » (Es. 60,1) Cette lumière va continuer à les éclairer jusqu’à la fin de leur voyage de retour et même au-delà. Elle sera leur lumière intérieure qui les conduira durant tout leur saint voyage vers l’Eternel.

 

Ne pas rester sur le seuil

Nous aussi, ne restons pas sur le seuil, mais levons-nous et entrons ! Choisissons de croire à cet Amour, qui fera lever en nous une lumière intérieure.

Ces mages d’Orient représentent aussi l’humanité tout entière, les païens appelés à marcher sur le sentier éclairé par la Parole, à entrer dans l’Alliance avec Israël, « à recevoir avec les Juifs les biens que Dieu réserve à son peuple, ils sont membres du même corps et bénéficient eux aussi de la promesse que Dieu a faite en Jésus-Christ » (Eph. 3,6). Ces mages nous disent que l’amour de Dieu concerne chaque personne humaine.  Selon la tradition, un des mages est noir, un autre a des traits asiatiques. Cela me semble très important aujourd’hui. Nous ne pouvons pas cheminer en excluant ceux qui sont différents. Nous ne pouvons pas dire : les autres ne m’intéressent pas. Non, les autres couleurs, celles de l’étranger font partie de l’équipe des mages. A cause de l’Enfant, nous formons une même communauté de destin, où chacun est appelé à la joie de la rencontre.

Comme ces mages sont visités par cette joie de Dieu et rencontrent personnellement le Christ, chaque être humain est ainsi aimé, et Dieu veut se révéler personnellement à lui et faire habiter une joie immense en chacun.

Après avoir fait une expérience semblable de l’irruption de l’amour de Dieu dans sa vie, Chiara Lubich écrivait : « Dès lors, nous avons découvert Dieu présent partout avec son amour : dans nos journées, dans nos élans, dans nos résolutions, dans les événements joyeux et réconfortants, dans les situations tristes, scabreuses, difficiles. Il était toujours là et nous expliquait que tout est amour : ce que nous étions et ce qui nous concernait…Rien n’échappait à son amour… Son amour enveloppait les chrétiens comme nous, l’Eglise, le monde et l’univers entier ».  

Lors d’une rencontre de Taizé, frère Alois a parlé d’un voyage en Chine (Novembre 2009). Un des témoignages les plus forts lui a été donné par un pasteur protestant de 80 ans. Il a fait 27 ans de camp de travail, d’abord emprisonné puis exilé très loin. « Dans ce camp, lui a-t-il dit, nous étions ensemble avec des chrétiens d’autres confessions, il y avait des pasteurs, des prêtres, un évêque. » Puis il s’est levé pour dire avec force : « Je sais qu’il n’y a qu’un seul corps du Christ, en lui nous sommes unis, j’en ai fait l’expérience. » Et il ajoutait : « Dans cette période où il n’y avait plus rien de visible de l’Eglise, l’Église invisible existait pourtant. Ce qui m’a fait vivre c’est la parole d’Isaïe où Dieu dit : ’Mes chemins ne sont pas vos chemins’. » Et quand frère Alois lui ai demandé comment il voyait l’avenir, il a répondu : « Je ne connais pas l’avenir, mais je connais Dieu. Il nous guidera pas à pas. »

Les mages ni aucun astrologue ne connaissent l’avenir. L’avenir appartient à Dieu, qui nous aime et vient mettre en nous sa lumière intérieure. Son amour est l’étoile qui nous guidera pas à pas durant cette nouvelle année. Ayons donc foi et confiance en lui. Marchons ensemble en étant uni les uns les autres. La clarté de l’amour de Dieu augmente si notre unité grandit. 

 

Image: L’adoration des mages par le peintre chinois He Qi


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