Ce grand texte sur la mission nous parle de Jésus qui envoie ses disciples – au nombre de 72 – dans les maisons et les villes. C’est une sorte de manifeste de la mission. En 2018, j’ai participé, en Tanzanie, à la 12e Conférence missionnaire du Conseil œcuménique des Eglises. Nous étions environ 1000 délégués. La première conférence missionnaire du christianisme était beaucoup plus modeste. Elle comptait ces 72 disciples, les 12 apôtres et Jésus. En tout 85 personnes. Mais quel impact !
Que devront-ils annoncer ? Pas moins le cœur du message de Jésus : « Dites aux habitants ; le royaume de Dieu est tout proche de vous ».
A la différence des douze apôtres, centrés sur Israël. Les 72 disciples représentent la mission chrétienne parmi les nations. Le chiffre de 72 est d’ailleurs symbolique : il reprend la liste des 72 peuples mentionnés dans le livre de la Genèse (Dans la version des LXX). Il représente donc la totalité des peuples, vers lesquels les disciples auront à transmettre l’Evangile.
C’est le Seigneur qui envoie et qui agit quand le Royaume est annoncé
La mission a beaucoup d’aspects. Jésus donne d’abord un grand principe. Il s’agit de sa mission : c’est lui qui agit quand l’Evangile est vécu et annoncé. Il est présent au milieu des siens. Il est le maître de la moisson. C’est pourquoi il nous demande de prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson.
Jésus envoie ses disciples et leur demande d’annoncer le « Royaume de Dieu est tout proche ». On s’est toujours demandé ce que veut dire Jésus quand il parle du Royaume de Dieu. Pour certains il s’agit de quelque chose de purement intérieur : la présence de Dieu dans notre cœur. Pour d’autres au contraire, il s’agirait d’une révolution sociale et politique.
Ces deux interprétations passent à côté de l’essentiel. A savoir que le Royaume de Dieu est proche à cause de la présence de Jésus. En Lui, le Royaume de Dieu est présent, parce que Jésus nous donne Dieu, bien plus parce qu’il est Dieu.
Là où est Jésus, là les choses se transforment. Toutes choses se transforment, qu’elles soient dans notre cœur, qu’elles soient dans les relations entre les personnes, qu’elles soient de l’ordre du travail, de la beauté, de la sagesse et de l’intelligence.
Le Royaume de Dieu est au milieu de vous, par conséquent tout doit se transformer, rien ne doit rester immobile. Le Royaume de Dieu est au milieu de vous, par conséquent, changez de mentalité : mettez Dieu que vous avez relégué aux oubliettes, au milieu de votre vie. Le Royaume de Dieu et au milieu de vous, par conséquent aimez vos ennemis, pardonnez- vous les uns les autres, ne laissez pas la colère ni le ressentiment vous maîtriser. Le Royaume de Dieu est au milieu de vous, par conséquent, prenez soin des malades et priez pour eux.
Pourquoi Jésus envoie-t-il ses disciples deux par deux. Pour qu’il soit au milieu d’eux ! Il avait en effet promis : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Le Royaume de Dieu est donc présent au milieu des 72 disciples qui vont deux par deux en mission. Il est présent en 36 endroits de la Galilée et de la Judée à cette étape du ministère de Jésus.
Mais depuis Pentecôte jusqu’aujourd’hui, le Royaume de Dieu est présent partout où deux ou trois disciples de Jésus se rassemblent en son nom, vivent son Evangile et l’annoncent.
Quand nous commençons à vivre les Paroles de Vie de l’Evangile, nous pouvons donc compter sur la présence du Christ ressuscité parmi nous et sur l’action de son Esprit Saint.
En quelques paroles fulgurantes, Jésus résume ce que sera la mission de l’Église…ce que sera en fait l’Église tout court :
- L’Eglise sera porteuse d’un message de paix en se mêlant à la compagnie des hommes,
- elle prendra soin des malades,
- elle annoncera l’Evangile du Royaume.
L’évangélisation, c’est d’abord un style de vie.
Jésus envoie ses disciples dans les maisons. La mission, c’est d’abord vivre la paix du Christ dans nos maisons. La mission commence par les gestes de la vie quotidienne, le manger et le boire autour de la table familiale. Chacun reçoit cette mission d’être porteur de paix là où il vit. Avant de dire quoi que ce soit, la mission, c’est un style de vie, une manière de vivre nos relations les uns avec les autres, un art d’être ensemble.
Cette petite histoire de François d’Assisse l’illustre bien : un jour il dit à un de ses frères : allons en mission. Ils entrent alors dans une ville et se promènent durant toute la journée dans ses rues en causant.
A la fin de la journée le compagnon de François lui demande : « mais quand avons-nous fait la mission ». Et François de lui répondre : « nous n’avons fait que cela ».
Ceci est valable aussi pour nous aujourd’hui. Dans notre monde traversé par toutes sortes de tensions et d’oppositions, les personnes ont besoin de voir une convivialité pacifique. C’est ce que j’ai souvent vécu, me semble-t-il, durant des camps de vacances chrétiens à la montagne. Quand beaucoup de personnes se mettent à vivre ensemble l’Évangile, cela peut changer l’atmosphère spirituelle d’un village.
Le geste accompagne la parole.
La mission est-elle d’abord une diaconie ou une annonce de l’Evangile ? En lisant l’Evangile de ce jour, on voit qu’on ne peut opposer les choses. Elle est les deux à la fois. Luc, l’auteur de l’Evangile, est un médecin. Pour lui, la mission doit comporter une attention aux malades. C’est pourquoi chez lui, l’ordre de la mission est résumé par cette parole fulgurante : « Soignez les malades…et dites-leur le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous ».
Il faut souligner que le verbe que l’on traduit habituellement par « guérir » a d’abord le sens de « prendre soin », « donner des soins médicaux. » Dans l’évangile de Luc, Jésus est présenté comme le médecin qui prend soin des malades. Jésus donne à ses disciples une responsabilité thérapeutique. Ceux-ci devront prendre soin du corps et de l’âme des personnes qu’ils rencontreront, comme le Samaritain qui s’occupe du blessé sur son chemin. La tâche de l’Église est de soigner en prodiguant des soins. La guérison appartient à Dieu. Il peut la donner de manière lente ou immédiate. Et s’il ne la donne pas, c’est parce qu’il a en vue quelque chose de plus important, lui qui est aussi le maître de nos vies.
Mais en soignant les malades, les disciples auront aussi à annoncer le Royaume de Dieu. Il ne s’agit pas seulement de guérir le corps et l’âme des personnes, mais de leur faire connaître et sentir que Dieu est présent au milieu de nous, afin que celles-ci s’ouvrent à la foi et soient réconciliées avec Lui.
Voilà ce qu’est l’essentiel aujourd’hui : nous mettre à l’écoute de l’Évangile et le vivre de telle manière que Jésus soit au milieu de nous pour nous guérir et nous réconcilier.
Image : « La moisson est grande mais les ouvriers peu nombreux »