tabgha

La multiplication des pains et l’eucharistie

En Terre sainte on trouve partout des plats de la mosaïque de Tabga, représentant la corbeille des pains avec les deux poissons. Pourquoi la corbeille contient-elle seulement quatre pains, alors que le récit parle de cinq pains ?

Parce que la mosaïque de Tabga se trouve dans une Eglise et devant un autel. Le cinquième pain est le pain eucharistique sur l’autel ! Ceci montre que l’auteur de la mosaïque a fait une interprétation eucharistique de la multiplication des pains et des poissons.

Cette interprétation est déjà présente dans l’Evangile de Jean, puisque le discours de Jésus sur le « pain de vie » se trouve après cet épisode. (Voir Jean 6,1-15)

Je voudrais développer trois aspects de l’Eucharistie dans ce texte : le partage, l’unité et l’eucharistie comme essentiel de la vie de l’Eglise.

 

Une image du partage

Avec peu, on arrive à faire beaucoup. Avec 5 pains et 2 poissons, on nourrit une foule immense. Encore fallait-il que le garçon soit d’accord de partager ce qu’il avait. Ainsi en va-t-il avec nous. Essayons de partager et nous verrons le Seigneur multiplier le peu que nous avons donné.

Actes  4,32 : la première Eglise a mis en pratique le partage…et il y eut des miracles : « Une grande puissance marquait le témoignage rendu par les apôtres ». S’il n’y avait pas eu la vie concrète fraternelle de la communauté, le ministère des apôtres n’aurait pas eu autant d’impact.

Ps. 133 : « Ah qu’il est bon pour des frères, de demeurer ensemble ». Dans le partage fraternel, il y a la présence de Dieu qui s’y glisse (comme une fraîche rosée). La première communauté était persuadée qu’elle vivait l’accomplissement de ce psaume.

L’Eucharistie est d’abord partage ; elle doit être un lieu de communion fraternelle. Ne former qu’un seul corps dans le Christ a un sens très concret : communion avec le Christ, communion avec les hommes. C’est souligner la valeur humaine et spirituelle du repas. Un ami me donnait toujours rendez-vous vers 11h30 pour qu’on travaille ensemble. Pourquoi cette heure ? Tout simplement pour aller parler autour d’un bon repas dans un petit restaurant vietnamien. Les repas sont des moments très importants de la vie humaine et de la vie de l’Eglise.

J’ai participé une fois au culte d’une Eglise où la sainte cène était prise non pas dans l’Eglise, mais dans la salle de réunion à côté de l’Eglise. On s’asseye autour d’une grande table, on prend la communion, puis il y a un repas fraternel.

Le document du Conseil œcuménique des Eglises sur le « Baptême, Eucharistie et Ministère » a un magnifique passage sur la dimension de partage de l’eucharistie :

« L’eucharistie embrasse tous les aspects de la vie…Elle présuppose la réconciliation et le partage avec tous, regardés comme frères et sœurs de l’unique famille de Dieu ; elle est un constant défi dans la recherche de relations normales au sien de la vie sociale, économique et politique. Toutes les formes d’injustice, de racisme, de séparation et d’absence de liberté sont radicalement mises au défi quand nous partageons le corps et le sang du Christ » (Eucharistie, § 20)

 

Une image de l’unité en Christ

Le récit de la multiplication des pains présente une magnifique image de l’unité en Christ

Tous sont nourris par le même pain, multiplié par le Christ. Tous dépendent de leur nourriture du Christ.

« La multitude de ceux qui étaient devenus croyants n’avait qu’un cœur et une âme ». Mais peut-être n’était-ce pas encore le cas après la multiplication par Jésus. Certains n’avaient pas compris ce qu’il avait fait, comme le texte le montre après.

Mais après la résurrection, le Christ accomplit cela en nous quand nous participons à son repas. A travers son Esprit, il unit nos cœurs et nos pensées en Lui, quand nous recevons le pain et le vin.

« Si l’Eucharistie provoque l’unité au niveau le plus profond, il est logique que chacun traite les autres comme ses frères. L’eucharistie forme la famille des fils de Dieu où tous sont frères de Jésus et frères les uns des autres…Dans l’eucharistie, Jésus donne vie à l’Eglise dans son essence la plus profonde : corps du Christ, fraternité, unité, vie, communion à Dieu.

Lorsque des personnes sont réunies pour participer à l’Eucharistie, celle-ci les fait Eglise, elle engendre non seulement une partie de l’Eglise, mais l’Eglise entière : c’est le Corps du Christ tout entier qui est présent en un lieu donné ; on peut ainsi comprendre pourquoi Paul s’adresse : « à l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe »

L’Eucharistie rassemble aussi tous les membres du Corps mystique au-delà des distances et de la mort. La présence du Christ glorieux supprime les distances du l’espace et du temps ». [1]

Jean Damascène dit à propos de la Cène comme sacrement de l’unité: « De l’Eucharistie on dit aussi la communion et avec raison parce qu’en elle nous communions au Christ…et aussi parce qu’en elle nous communions et nous nous unissons les uns aux autres…Nous devenons membres les uns des autres, puisque nous devenons un seul corps avec le Christ ».

 

L’essentiel de l’Eglise:

La foule était affamée au bord du lac de Tibériade. Nul ne peut se passer de nourriture. Comme on meurt sans nourriture, l’Eglise mourrait sans eucharistie.

Durant la période des martyrs, les premiers chrétiens préféraient se faire arrêter plutôt que de renoncer à la cène. Les martyrs de la ville d’Abitina disaient : « Nous ne pouvons pas vivre sans le repas du Seigneur ».

Au milieu de toutes nos activités d’Eglise, il faut revenir à ce fondement. Travailler pour un renouveau eucharistique, c’est travailler à un renouveau de l’Eglise.

Parole et sacrement de la cène constituent l’Eglise. C’est ce que la Réforme a voulu remettre au centre de la vie de l’Eglise. Jean Calvin voulait une eucharistie fréquente : au moins chaque dimanche et même pendant la semaine.

Aujourd’hui, on a beaucoup diversifié et spécialisé le ministère… et c’est bien. Mais posons-nous la question : s’il fallait simplifier, élaguer, aller au cœur : que faudrait-il garder à tout prix dans le ministère ?

Parole et sacrements sont l’essentiel auquel il faut toujours revenir. Le Père François-Xavier van Thuan qui a vécu de nombreuses années dans les geoles vietnamiennes et se nourissait chaque jour de quelques miettes de pains et de quelques gouttes de vin,  écrivait : « Tu peux manquer de tout et avoir tout perdu. S’il te reste le corps du Christ, tu possèdes tout, tu possèdes le Seigneur du Ciel sur la terre ». 

Vivons donc l’eucharistie comme partage, unité et essentiel de la vie de l’Eglise!

 

Deux prières : 

I.

Nous sommes en marche vers toi, Seigneur,

Dans un pèlerinage de sainteté, de justice et de paix,

Et tu nous appelles à nous entraider,

A nous attendre et à témoigner de ta tendresse pour tous.

 

Sur ce long chemin, tu nous prépares un festin,

Une table dressée avec le pain et le vin.

En te donnant à nous, tu renouvelles nos forces

Pour vivre ta justice et ta paix avec tous.

 

Béni sois-tu, car déjà maintenant nous avons part

A la richesse et à la plénitude de ton Royaume.

Nous sommes en communion avec toi,

Le Père, le Fils et l’Esprit saint

Et avec toutes les forces du ciel.

 

C’est pourquoi, avant de nous approcher

Pour recevoir le pain et le vin du pèlerin

Nous avons besoin d’être dépoussiérés,

Nous avons besoin de ton pardon et de ta libération.

Oui, Seigneur, en ce moment de silence,

Viens toi-même nous visiter et nous renouveler !

 

II. 

Autour de nos tables tu t’assieds, Seigneur,

Et tu multiplies ta générosité

Quand nous te remercions pour le pain de ce jour

Et te prions pour ceux qui en manquent.

 

Autour de ta table, tu vous visites, Seigneur,

Tu nous unis en toi et nous conduis au Père,

Quand nous partageons ton pain et ton vin

Et invoquons l’Esprit saint.

 

Autour de la table de ton Royaume, Seigneur,

Tu nous verseras le vin nouveau pour une fête sans fin,

Quand le mal et la mort auront disparu.

Viens bientôt et mets déjà dans nos cœurs

Les énergies du monde transfiguré !

 

[1] Chiara Lubich, Jésus Eucharistie, Nouvelle Cité, 1977, p. 66s


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