Cranach Jesus benit

Bénir, la loi de la vie

Quels sont les mots que vous dites ou entendez le soir en vous couchant et le matin en vous levant ? Quelles sont les lignes que vous lisez le soir en vous couchant et le matin en vous levant ? Quelles sont les images que vous voyez le soir en vous couchant et le matin en vous levant ?

Terminons-nous nos journées et les commençons-nous avec les paroles et les images de ce monde troublé ou avec les paroles et les images que le Dieu de paix nous a données ?

Terminons-nous nos journées et les commençons-nous en disant du bien ou en disant du mal ; en regardant des images qui nous enferment ou des images qui sont des fenêtres sur Dieu.

 

Grandir, le sens de notre vie

Dans son grand amour pour nous, Dieu nous a donné une parole pour commencer et finir nos journées.

Cette parole est la bénédiction d’Aaron. On la trouve dans le livre des Nombres

Que le Seigneur te bénisse et te garde !

Que le Seigneur fasse rayonner sur toi son visage et t’accorde sa grâce !

Que le Seigneur tourne sa face vers toi et te donne la paix !

En hébreu cette brève prière est un petit bijou littéraire :

Yevarekha Adonaï veyishmerèkha

Yaer Adonaï panav eleikha vikhounecka

Yisah Adonaï panav eleikha veyasem lekha shalom

Cette bénédiction comporte trois lignes qui vont en s’amplifiant : 3 mots dans la première, 5 mots dans la seconde et 7 mots dans la troisième.

Comme l’hébreu n’a que des consonnes, il y a 15 consonnes dans la première ligne, 20 dans la seconde et 25 dans la troisième.

De même pour les syllabes : 12 dans la première ligne, 14 dans la seconde et 16 dans la troisième.

La forme littéraire nous dit un premier sens des effets de la bénédiction : la croissance et la multiplication.

Après la création de l’homme et de la femme à son image, il est écrit que « Dieu les bénit et leur dit : soyez féconds et multipliez-vous ! » (Genèse 1,28).

C’est la première loi de la vie : l’homme et la femme sont appelés à être féconds, à grandir et à faire grandir. Et la source de cette fécondité est Dieu qui bénit.

Le sens de notre vie est de grandir sans cesse, en force, en taille, en sagesse, en confiance et surtout en amour.

Nous avons besoin d’entendre cela et de nous le dire et le redire les uns aux autres, chaque matin et chaque soir.

 

La fontaine de la bénédiction 

Le nom du Seigneur de l’alliance (YHWH, que les juifs prononcent aujourd’hui Adonai) est répété à trois reprises. Généralement les textes bibliques ne font pas ces répétitions. Mais cela souligne ici que Dieu est la source de tous les bienfaits.

En tout il y a quinze mots dans cette bénédiction, mais si on enlève les trois mentions du nom du Seigneur, il reste douze mots.

Et douze est le chiffre du peuple de Dieu : les 12 tribus d’Israël.

C’est une manière de dire que Dieu est la fontaine de toute bénédiction pour son peuple.

Cela est accentué encore dans le verset conclusif : 

« Ainsi ils placeront mon nom sur les Israélites et moi je les bénirai » (6,27)

En hébreu on n’utilise habituellement pas de pronom avant le verbe, mais on trouve ici Ani – moi afin de souligner que c’est vraiment Dieu qui est la source de tout.

Soir et matin nous avons donc à nous tourner vers la source de nos vies. Comment ? En lisant ou écoutant sa Parole ! Ainsi nos premières et dernières paroles de la journée lui serons adressées !

 

Protection, grâce et paix

Mais entrons maintenant dans le sens des mots si denses utilisés dans cette bénédiction !

 

Que le Seigneur te bénisse et te garde !

Bénir : Dieu bénit en donnant des enfants, une terre, des biens, la santé et surtout sa présence qui est la seule chose qui demeure quand tout le reste nous est enlevé ou ne nous est pas donné.

Avec la venue du Christ qui est resté célibataire et a choisi de vivre dans la simplicité, l’aspect matériel de la bénédiction se transforme. La bénédiction est avant tout sa présence. « Là ou deux ou trois sont réunis en son nom, il est au milieu d’eux » et les bénit. (Mat 18,21). Heureux ceux qui ont tout quitté pour gagner le Christ !

Qu’il te garde : il suffit de citer le Psaume 121 pour comprendre ce que ce verbe signifie. C’est une magnifique prière qui est comme un commentaire de notre bénédiction :

Lui qui garde Israël

sans se relâcher, sans dormir,

il te gardera, il restera à tes côtés

comme une ombre protectrice.

Ainsi pendant le jour, le soleil ne te nuira pas,

ni la lune pendant la nuit.

Le Seigneur préservera ta vie,

il te gardera de tout mal.

Oui, le Seigneur te gardera de ton départ jusqu’à ton arrivée,

dès maintenant et toujours !

 

Que le Seigneur fasse rayonner sur toi son visage et t’accorde sa grâce !

Faire rayonner : Cela signifie que Dieu est lumière de la lumière. Par sa lumière nous voyons la lumière (Psaume 36). Le Christ est la lumière de la vie (Jean 1)

Sa lumière chasse la nuit, les ténèbres du mal et de la violence.

Cette lumière est joie, vie, sourire, bienveillance.

On pourrait traduire « Que le Seigneur te sourie ! » Un sourire est lumière.

« Fais briller ta face sur moi, sauve-moi par ta fidélité », telle est la prière du psalmiste qui fait écho à cette bénédiction (Ps 31,17).

Qu’il t’accorde sa grâce : c’est à dire qu’il te sauve, te délivre du mal, te libère de l’emprise du démon, te pardonne toutes tes fautes, te guérisse de toutes tes maladies, réponde à tes prières !

Le Psaume 67 fait écho à ce verset : « Que Dieu nous accorde sa grâce et qu’il nous bénisse, qu’il fasse briller sur nous sa face » (v. 2)

A cette bénédiction correspond la prière du pauvre : « Quand je crie, Seigneur, réponds-moi » (Psaume 4,1) – « Seigneur, fais-moi grâce car je dépéris » (Psaume 6,3) ou encore : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur, aie compassion de moi » !

 

Que le Seigneur tourne sa face vers toi et te donne la paix !

Tourner sa face vers quelqu’un signifie le remarquer, faire attention à lui, s’intéresser à lui.

Il y a tant de psaumes qui demandent cela à Dieu : « Seigneur, regarde-moi, connais mon cœur, vois mon trouble et ma détresse ! »

La paix – Shalom en hébreu – signifie plus que l’absence de guerre. Elle veut dire bien-être, santé, prospérité et salut. En un mot, la paix est la somme de tous les biens que Dieu donne à son peuple.

Le shalom est donc le sommet de la bénédiction.

Quand on se salue en hébreu ou en arabe : shalom ou salam, on souhaite à l’autre toutes les dimensions de la bénédiction.

 

La bénédiction passe par Jésus Christ

C’est matin et soir que le Grand Prêtre prononçait cette bénédiction à l’issue du rituel quotidien à l’intérieur du Temple de Jérusalem (le Tamid).

Dans l’Evangile de Luc, on voit que le grand prêtre Zacharie n’a pas pu prononcer cette bénédiction à ce moment car il était devenu muet suite à sa rencontre avec l’ange Gabriel (Luc 1,22).

Or le même évangéliste nous dit que Jésus a levé les mains et béni ses disciples avant d’être séparé d’eux et enlevé au ciel (24,50s).

Quelle est la bénédiction qu’il a dite ? Le texte ne la mentionne pas, sans doute celle d’Aaron, que Zacharie n’a pu dire.

Ainsi il nous fait comprendre que Jésus est désormais celui à travers qui passe toute bénédiction. Il est le « Grand Prêtre de notre foi ».

Quand nous disons la bénédiction à la fin d’une célébration chrétienne, nous sommes ainsi nous seulement en communion avec le Christ et avec les apôtres qui l’ont dite après lui. Mais aussi avec Aaron et ses descendants, avec le peuple juif qui continue à entendre tous les jours cette bénédiction.

C’est pourquoi j’aime tellement conclure nos cultes avec cette bénédiction à laquelle j’ajoute une mention de la Trinité. Car Jésus nous a révélé que nous bénissons et sommes bénis au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.

 

Bénir au nom de la Trinité

Dans la triple répétition du nom divin dans la bénédiction d’Aaron les chrétiens ont en effet vu une préfiguration de la Trinité. Jésus nous a révélé qu’il est un avec le Père, qu’il est le Seigneur qui bénit, de même que l’Esprit saint.

En Jésus la pleine signification de la paix est manifestée. Il est le Prince de la paix, il est notre paix, il a fait la paix à travers le bois de la croix.

Jésus apporte le sens plénier de la bénédiction d’Aaron qui, en soi, a déjà une densité extraordinaire.

« Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit saint soient avec vous tous » ! (2 Cor 13,13)

Commençons et concluons nos journées par cette bénédiction !

Dans ta bénédiction tu nous fais grandir,
tu multiplies et fructifies,
tu nous gardes de tout mal,
Tu nous accordes ta faveur,
Tu nous nous délivres de l’oppression,
Tu pardonnes nos fautes,
Tu guéris nos corps et nos âmes,
Tu nous réconcilies les uns avec les autres,
Tu nous donnes ta paix,
Tu verses en nous tous tes bienfaits.

C’est pourquoi, nous venons à toi
et nous agenouillons devant toi,
reconnaissant que nous avons péché
en pensée et en paroles,
par action et par omission.

Nous te prions les uns pour les autres,
portés par la prière de toute l’Eglise,
te suppliant de nous pardonner nos fautes,
à cause de Jésus-Christ qui, pour nous,
les portées sur le bois de la croix
et qui, ressuscité, nous bénit.

Tableau de Lucas Cranach, l’ancien, 1472 – 1553, Jésus bénit les enfants, 1540, musée d’art de Francfort

 


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