Je poserai quatre questions à ce récit de la résurrection dans l’Evangile de Matthieu : quelle confiance ? Quelles ténèbres ? Quelle lumière ? Quel chemin ?
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Ces quatre questions, je peux aussi me les poser à moi-même. J’ai pris l’habitude de le faire à partir des « perles du cœur », un bracelet de méditation et de prière que j’ai conçu comme une aide symbolique à la prière. Les perles blanches symbolisent la confiance, les rouges les blessures (ou ici les ténèbres), les jaunes la lumière et les bleues le chemin. La perle en cristal en forme de cœur appelle à tout faire avec le cœur. Enfin les perles vertes longilignes symbolisent l’écoute : « Donne-moi un cœur qui écoute » ! C’est une des plus belles prières de la Bible.
Confiance
Chaque évangile a une perspective différente sur la résurrection de Jésus. Dans l’Evangile de Matthieu, le récit commence par la visite au tombeau de deux femmes qui ont le même prénom : Marie.
Pourquoi viennent-elles tôt le matin à ce tombeau, où elles se trouvaient déjà quand Jésus y a été déposé (Mat 27,61) ? Est-ce parce qu’elles ont gardé en mémoire les paroles de leur maître annonçant à plusieurs reprises qu’après trois jours il reviendrait à la vie ? Est-ce parce qu’elles avaient confiance en ses paroles ? Jésus ne pouvait pas mentir ! Ces paroles sont-elles descendues en elles alors que les apôtres les auraient oubliés ? En tout cas, toujours selon Matthieu, les autorités religieuses les ont prises au sérieux et on placé des gardes devant le tombeau parce qu’elles se méfiaient des disciples qui pourraient venir voler le corps. (Mat. 27,62ss)
Confiance des femmes, amnésie des apôtres, méfiance de autorités. Confiance, amnésie, méfiance. Voici trois attitudes que l’on rencontre aussi aujourd’hui face à l’annonce de la résurrection. Il faut choisir.
Mais à ceux qui ont choisi de faire confiance, Dieu se manifeste. C’est ce qui arrive à ces deux femmes : un ange, puis le Seigneur ressuscité lui-même les visitent.
Cela me conduit à ces questions : quelle est ma confiance dans les promesses de Jésus ? Ai-je fait l’expérience de son intervention après avoir pris au sérieux une de ses paroles ?
Ténèbres
Comme il y a des lueurs de résurrection lors des la crucifixion de Jésus (voir la méditation du Vendredi saint), il y a, inversement, des zones de ténèbres dans la lumière de Pâques.
D’abord la terreur des gardes qui se tiennent à l’entrée du tombeau : « Ils se mirent à trembler et devinrent comme morts ».
Dans d’autres récits on est frappé par la difficulté qu’ont les apôtres à croire à la grande nouvelle de la résurrection de leur Maître (voir en Matthieu 28,17 : « certains eurent des doutes »).
Puis, surtout, on découvre le montage des autorités religieuses pour dissimuler la vérité. Pots de vin aux soldats témoins des événements de Pâques, mensonge, chantage. On fait tout pour étouffer l’affaire Jésus afin que Pilate le gouverneur ne l’apprenne pas. Opportunisme politique !
Le risque de toute autorité, qu’elle soit religieuse ou politique, est d’utiliser son pouvoir afin d’arranger une vérité qui soit à son avantage ou qui plaise au monde.
C’est dans ce monde dont le Prince est le « père du mensonge » qu’a lieu l’annonce de la résurrection du Christ. Pas étonnant qu’aujourd’hui encore (et surtout dans notre occident de plus en plus sécularisé) la résurrection de Jésus soit considérée par beaucoup comme une douce rêverie !
Le message de la résurrection met radicalement en question les abus de pouvoir, les mensonges et la corruption.
Alors comment réagir ? En regardant sans cesse au Christ ! Sur la croix il est resté dans l’amour de la vérité, et dans la vérité de l’amour. Si nous communions à sa croix, nous communierons aussi à la force de sa résurrection. Seul lui peut rouler les énormes pierres de l’injustice.
Lumière
L’évangile de Matthieu est celui qui met le plus en évidence le jeu entre les ténèbres et la lumière. Et cela convient parfaitement au thème de notre retraite : « Des ténèbres à son admirable lumière » !
Une obscurité eut lieu pendant trois heures lorsque Jésus était sur la croix et la terre s’est mise à trembler au moment de sa mort. Jésus ressuscite à l’aube du premier jour, comme une nouvelle création du monde. L’ange qui roule la pierre fait trembler la terre. Son apparence était comme l’éclair et ses vêtements plus blancs que neige.
Comment faire aujourd’hui l’expérience de la lumière du ressuscité parmi nous ? J’aimerais vous proposer deux sources. Bien sûr, il y a plusieurs autres sources où le Christ se donne à boire, comme sa Parole et la prière.
L’unité : « Ah qu’il est bon, qu’il est doux, pour des frères et sœurs de demeurer ensemble » (Psaume 133,1). C’est comme de l’huile sur notre front. Cette huile, c’est la lumière de Jésus ressuscité : là où deux ou trois se réunissent en son nom, il est présent. (Mat. 18,21) C’est sa promesse. Ces deux femmes ont été les premières à la vivre devant le tombeau. Je crois que nous en avons fait l’expérience durant ces quatre jours de retraite. « La concorde, nous dit Origène, un père de l’Eglise, unit et contient le Fils de Dieu ». Un autre, Athanase, a dit : « Le Christ ressuscité fait de la vie des hommes une fête continuelle »
C’est une invitation à ne pas rester seul, mais à participer à la vie communautaire, à approfondir la communion ou à la rétablir quand elle est compromise.
L’eucharistie : le sommet et la source de la vie communautaire est la célébration de l’eucharistie. Ah, que nous devenions de plus en plus conscients de l’immense grâce de la lumière du Christ qui nous visite quand nous l’invoquons lors de la sainte Cène !
J’aime ce tableau du peintre finlandais Stig Petrone. Il veut signifier la présence de Jésus au milieu de nous quand est célébrée la liturgie eucharistique, accomplissement du culte sacrificiel de l’Ancienne alliance (sur la droite, le peuple d’Israël autour du feu du sacrifice).
Chemin
Les premières paroles des anges et du Christ aux femmes sont « N’ayez pas peur » ! Il nous redit la même chose aujourd’hui : n’ayez pas peur de lui ouvrir vos cœurs ! Il ne fait de mal à personne. Cela fait tant d’années que je le sers et il ne m’a jamais fait du mal.
Puis tout de suite après avoir donné cette parole d’encouragement, le Christ envoie les femmes : « Allez dire à mes frères de se rendre en Galilée ; c’est là qu’ils me verront » ! Depuis la Galilée, sur la montagne où Jésus les avait enseignés, les apôtres seront envoyés sur tous les chemins du monde
Quand Jésus nous rencontre, il fait toujours deux choses : il nous donne sa paix, et nous fait sentir son amour, parfois physiquement. Il entre en nous pour accomplir une œuvre de guérison. Puis il nous envoie vers les autres, pour être des témoins de son œuvre. Il nous fait sortir de nous-mêmes. Il met en nous une lumière intérieure, afin que nous la fassions briller devant les autres.
C’est ce que j’ai vécu il y a plus de 40 ans, quand je l’ai rencontré pour la première fois : il est entré dans ma vie de manière tout à fait inattendue, m’a converti par son amour répandu dans mon cœur, puis m’a envoyé vers plusieurs autres personnes pour leur présenter mes excuses parce que je les avait blessées.
J’ai commencé alors un chemin, qui continue aujourd’hui. Chaque jour est une nouvelle étape, avec parfois des surprises.
Pour chacun, il y a un chemin différent. Dans la vie chrétienne, il n’existe pas d’autoroute spirituelle.
Que l’Esprit saint fasse vivre en nous la lumière du Christ et nous montre le chemin de témoignage afin que nous fassions briller cette lumière devant les prochains où le Christ nous attend !
Je prends le cœur du bracelet dans les doigts et demande à Dieu de nous donner « un cœur qui écoute », un cœur enflammé par l’Esprit d’amour afin que notre lumière brille devant les hommes.
Et avec les perles je fais le signe de la croix :
Je mets les perles blanches sur mon front : j’ai confiance en Dieu, le Père plein d’amour qui est au dessus de moi.
Avec les perles rouges : j’ai confiance en Jésus qui s’est abaissé jusqu’à prendre sur lui nos obscurités.
Je mets les perles jaunes sur mon épaule droite : j’ai confiance en la lumière de Jésus ressuscité, au milieu de nous.
Je place les perles bleues sur mon cœur : j’ai confiance en l’Esprit qui trace un chemin de vie dans mon cœur.
Tableau de Stig Petrone: divine liturgie