La provocation des Rameaux – Méditation sur l’évangile de Matthieu 21,1-11

Curieuse entrée à Jérusalem, juste avant le drame de la passion! Jésus provoque. Pourtant d’habitude, il reste discret et demande de ne pas faire de la publicité pour ses miracles. Mais ici Jésus se laisse acclamer comme « le Fils de David qui vient au nom du Seigneur ». Pourtant on l’acclame pour quelque chose qu’il ne fera pas.

La foule espére qu’il apporte une paix politique en chassant l’occupant romain. Et tout cela au nom du Seigneur !
L’âne est symbole de paix. Celle que le roi messianique promis par Zacharie apporte (chap. 9). Selon cette prophétie, le messie entrera dans Jérusalem sur un âne, comme Salomon y était aussi entré.
Le Messie élèvera Israël…
S’il avait été un politicien, Jésus aurait promis dans son programme : « Make Israël great again » ! « Israël first » !
Non seulement il chasserait l’occupant, mais il serait le seul berger de son peuple. Il réconcilierait les parties divisés du pays depuis des siècles. Les gens savaient que c’était un péché de rester divisé. Ce serait l’œuvre du nouveau roi David, du messie.
C’est tout cela que la foule chante quand Jésus entre dans Jérusalem.

Provocation ultime!

Et Jésus laisse faire !
Etonnant non ? Lui qui a toujours refusé de se compromettre avec toute compréhension politique du salut !
Donc Jésus provoque.
Et dans la scène qui suit le récit de l’entrée à Jérusalem, il va provoquer encore plus. Il va même signer son arrêt de mort !
Que s’est-il passé ?
Dans l’enceinte du temple, des enfants voyant les guérisons qu’il y a opéré, criaient « Hosannah au Fils de David ».
Entendant cela les prêtres s’indignaient auprès de Jésus :
« Tu entends ce qu’ils disent ? Jésus leur répondit : Oui. N’avez-vous jamais lu ces paroles : « Par la bouche des tout-petits et des nourissons tu t’es formé une louange » !
Or, ce que Jésus dit ici est énorme !
Il cite le psaume 8 qui dit que les petits enfants louent le Seigneur et clouent le bec à ses ennemis.
Jésus s’attribue ce psaume.
Il fait comprendre aux prêtres qui il est en vérité :
Il est plus que le prophète de Nazareth (v. 11)
Il est plus que le Fils de David (v. 9)
Il est plus que celui qui vient au nom du Seigneur (v. 9)
Il est plus que le roi messianique (v. 5)
Il est celui le Seigneur que les petits enfants louent !
Jésus affirme tout simplement, au nez et à la barbe des théologiens les plus éminents, qu’il est Dieu.

Vrai Dieu et vrai homme

« Vrai Dieu et vrai homme » diront plus tard les confessions de foi.
Il est tellement homme qu’il est le serviteur souffrant rejetté.
Il est tellement Dieu que son royaume n’est pas de ce monde.
Les gens qui l’acclament, en effet, ne peuvent pas comprendre cela.
Jésus est le Dieu de paix qui apporte la paix.
Mais sa paix n’est pas ce ce monde
La paix qu’il donne est d’abord « dans les cieux », comme dit l’Evangile (Luc 19,38).
C’est « ma paix » qu’il donne. Une paix qu’il ne donne pas à la manière du monde. Il la donne pas seulement comme Dieu, mais aussi comme homme. (Jean 14,27)
Il donne sa paix comme Dieu immortel, mais aussi comme homme mortel.
Comme Dieu qu’on adore, mais aussi comme homme méprisé.
Comme Dieu qui pardonne, mais aussi comme homme condamné.
Comme Dieu qui guérit, mais aussi comme homme souffrant.
Comme Dieu qui soutient toute chose, mais aussi comme homme abattu.
Comme Dieu qui donne la vie, mais aussi comme homme qui meurt.

Le serviteur souffrant

Derrière le Fils de David, le roi de paix, celui qui vient au nom du Seigneur se cache un autre.
Derrière celui qui se déclare comme Seigneur que la bouche des enfants chante, se profile une autre réalité : celle du mystérieux serviteur du Seigneur, dont parle le prophète (Esaie 53)
Ce serviteur est très différent du roi messianique. Il n’a pas de nom. Il n’enthousiasme pas. Il n’attire pas le regard, contrairement à David.
Sur la Croix, Jésus perd tout. Il est considéré comme maudit, car la croix était vraiment une malédiction.
Sur la croix, Jésus devient rien ; il est moins qu’un ver de terre, « ver et non pas homme » (Psaume 22,7) Il est complètement discrédité. Tout ce qu’il a fait est considéré comme nul.
Il n’existe plus. Un peu comme un politicien qui fait une erreur à la fin de son mandat : on le discrédite et on oublie tout ce qu’il a fait de bon.
C’est ce serviteur que nous allons le suivre sur son chemin d’humilité durant cette semaine sainte qui s’ouvre aujourd’hui.
Aux Rameaux, Jésus manifeste sa royauté divine et le serviteur souffrant est caché en lui.
A Vendredi saint, Jésus est le serviteur défiguré et exécuté. Toute sa divinité est cachée.
Au matin de Pâques, Jésus ressuscité est à jamais le Dieu-homme parmi ceux qui l’aiment.

Cela vaut la peine de le suivre, car nous savons que son chemin mène à la vie, à la résurrection, à la vie dans l’Esprit et à la fraternité universelle.
Cela vaut la peine de prendre nous aussi ce chemin, « d’avoir entre nous les sentiments qui étaient en Jésus » (Philip. 2,1ss) pour aller vers la vie, pour être visités par l’Esprit saint et être acteurs de fraternité.
Que nos yeux, en ce dimanches et durant cette sainte semaine soient dirigés vers ce serviteur souffrant et ce roi de gloire !

Prière

fev. 05 095En ce jour où nous faisons mémoire de ton entrée triomphale à Jérusalem,
avec les gens de Jérusalem étonnés nous te reconnaissons comme le prophète de Nazareth,
avec les foules qui t’ont suivi nous t’acclamons : « Hosannah au fils de David. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» !,
avec les Ecritures, nous confessons que tu es le roi qui apporte la paix à ce monde,
avec toi, nous croyons que tu es notre Dieu que la bouche des petits enfants chante !
Au seuil de cette sainte semaine, nous voulons te suivre sur ton chemin qui nous donne la paix,
Toi Dieu immortel qui est devenu un homme mortel.
Toi Dieu qu’on adore qui est devenu un homme méprisé.
Toi Dieu qui pardonne qui est devenu un homme condamné.
Toi Dieu qui guérit qui est devenu un homme souffrant.
Toi Dieu qui soutient toutes choses qui est devenu un homme abattu.
Toi Dieu qui donne la vie qui est devenu un homme qui meurt.
Devant toi nous voulons faire silence.
Aie compassion de nous et donne-nous ta paix !

Photo: J’ai fait cette photo lors d’une procession des Rameaux à Jérusalem, il y a quelques années. A l’entrée de la porte S. Etienne.


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