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La présidence de la cène, une croix de l’oecuménisme

« Un élément essentiel du renouveau de l’Eglise est le renouveau du ministère ». (Foi et Constitution) La question de la présidence de l’eucharistie est une « croix de l’œcuménisme ». Récemment des Eglises réformées, l’ont ouverte à des laïcs, suite à une nouvelle compréhension du sacerdoce universel. Cette décision, discutée dans plusieurs dialogues œcuméniques, met en jeu, évidemment, une dimension centrale de l’identité de l’Eglise.

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Mon étude a d’abord été provoquée par un rapport du Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud (EERV) qui proposait d’élargir la délégation pastorale aux laïcs, avec la possibilité de célébrer les sacrements. De plus, puisque l’EERV a rétabli le ministère diaconal dans les années 1970, ce rapport proposait que la célébration du baptême et de la cène soit constitutive du ministère des diacres.

Le Conseil synodal n’a donné aucune justification théologique et historique pour introduire cette nouveauté. Le but de mon étude était de fournir au Synode de l’EERV un indispensable arrière-plan historique et théologique afin de traiter de cette « crux interpretum » avec discernement.

J’invite notamment à clarifier le sens du « sacerdoce universel », à considérer la longue tradition de l’Eglise réformée au sujet de la présidence pastorale de la célébration de la cène, à tenir compte des recommandations de la Fédération protestante de la Suisse, de la Communion des Eglises protestantes en Europe et des interpellations des dialogues bilatéraux appelant à réserver la présidence de la cène au pasteur, à clarifier le sens de la présidence de la cène et la fonction liturgique du diacre tout comme les thématiques de la prédication laïque et de la délégation.

Malgré le fait que le synode de l’EERV (en mars 2014) ait entériné les propositions du Conseil synodal, je pense que mon étude peut continuer à être utile pour la réflexion sur ce thème si sensible dans les relations œcuméniques. 

 

Résumé de l’étude
1. L’Ecclésiologie de la Réforme sur la présidence de la célébration des sacrements (p. 6)
Les réformateurs ont insisté sur la « vocation régulière » et la consécration pour pouvoir célébrer la sainte cène. Luther, Calvin, Viret et Bèze sont unanimes, comme tous les textes confessionnels de la Réforme, qui distinguent entre sacerdoce (commun à tous les chrétiens) et ministère de la Parole et des sacrements (réservé aux pasteurs qui ont été appelés et consacrés).

2. Le débat avec les Eglises de Réveil au 19e siècle (p. 11)
Face aux Eglises de Réveil marquées par la conception radicale du sacerdoce universel du darbysme (« spontané et immédiat, sans la nécessité de pasteurs « ), les Eglises réformées et les théologiens, dont A. Vinet, insistent pour que seuls les pasteurs président la cène. Toutefois l’Eglise libre du canton de Vaud, tout en maintenant la présidence de la cène par un pasteur, accepte le principe de la délégation pastorale.

3. L’officiant des sacrements dans les lois et règlements de l’Eglise vaudoise (p. 12)
Notre recherche montre qu’il n’y a aucune trace de présidence laïque de la Cène dans l’Eglise vaudoise sous l’ancien régime. Les lois et règlements de l’Eglise vaudoise au 19e et 20e siècle sont claires : seul un pasteur consacré peut la présider. Ce n’est qu’en 1941 que le Règlement permet à un suffragant non consacré de la célébrer. L’introduction du ministère diaconal dans les années 70 sans définition de leur rôle liturgique a conduit progressivement des diacres à célébrer la cène. Aucune réflexion théologique et ecclésiologique n’a accompagné cette nouveauté. Cela a conduit à notre situation difficile.

4. Les réponses des Eglises réformées au document de Lima-BEM (p. 13)
La plupart des 50 Eglises réformées qui ont répondu à ce document Baptême-Eucharistie-Ministère du COE (qui traite de cette question) ne prévoient pas une délégation pastorale pour la célébration de la cène et la réservent au ministère pastoral. Cependant plusieurs Eglises l’ont introduite pour répondre à des besoin de dessertes et en redéfinissant la notion de « sacerdoce universel ».

5. Les positionnements de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (p. 15)
Depuis 1976, la FEPS s’est prononcée à plusieurs reprises sur cette question. Dans son dernier document, si le conseil de la FEPS prend acte du développement de la pratique de la délégation pastorale dans certaines Eglises membres, elle ne la recommande pas et appelle clairement les Eglises à réserver la présidence de la cène au ministère pastoral. La FEPS attire aussi l’attention sur les conséquences néfastes pour l’œcuménisme de la généralisation de la pratique de la délégation.

6. La Communion des Eglises protestantes en Europe (p. 17)
Dans sa discussion sur le ministère, la CEPE réserve clairement la présidence de la célébration de la cène aux personnes consacrées, en se référant à la Confession d’Augsbourg. Cette présidence est un signe de l’unité de l’Eglise. Toutefois, si la responsabilité de présider la cène revient aux ministres consacrés à cet effet, d’autres membres de la communauté doivent y participer afin de souligner que la cène est une célébration communautaire.

7. La présidence de la cène dans les autres Eglises et le Protestantisme pluriel (p. 18)
Dans l’Eglise ancienne, à l’exception d’une pratique signalée par Tertullien, c’est la consécration (ou ordination) au ministère pastoral (ou épiscopal) qui autorise la célébration eucharistique. Les Eglises catholique, orthodoxe, anglicane et luthérienne (surtout scandinave) ont maintenu avec force cette exigence. Les Eglises évangéliques et baptistes, dans une moindre mesure méthodiste, acceptent la présidence laïque de l’eucharistie. La question du ministère est cruciale dans le dialogue œcuménique.

8. Les dialogues bilatéraux entre les Eglises réformées et les autres Eglises (p. 21)
Les dialogues des Eglises réformées avec l’Eglise catholique et avec la communion anglicane questionnent fortement la pratique de la présidence laïque de la cène développée dans certaines Eglises réformées. Cet appel du dialogue anglican-réformé est emblématique : « La règle générale est que celui qui préside l’Eucharistie doit avoir reçu, par ordination, autorité pour exercer une telle présidence. L’Église devrait s’organiser pour que cette règle puisse être respectée ».

9. Comment en est-on arrivé à cette situation dans l’EERV ?
9.1 Une nouvelle compréhension du sacerdoce universel (p. 24)
La théologie de la Réforme faisait une claire distinction entre sacerdoce universel (pour tous les baptisés) et ministère de la Parole et des sacrements. Elle a conduit à réserver la célébration eucharistique à des pasteurs consacrés. Mais cette distinction a été effacée par une nouvelle compréhension du concept de sacerdoce universel.

9.2 Le destin de la célébration de la cène dans les Eglises de la Réforme (p. 24)
La rareté de la célébration de la cène a conduit à ce que l’administration des sacrements fasse de moins en moins partie de la conscience ministérielle. D’où peu à peu une laïcisation du ministère, qui n’est plus considéré comme constitutif de l’Eglise. Par conséquent, le fait de déléguer la célébration de la cène ne posait plus de problème théologique.

9.3 L’influence des Eglises de professants (p. 25)
Le Réveil a contribué à un état d’esprit dès le 19e siècle. Les Eglises réformées ont dû se situer par rapport aux tendances égalitaires introduites par N. Darby dans les Assemblées du Réveil, qui perdurent jusqu’aujourd’hui.

9.4 L’influence de la pratique de l’Eglise réformée de France (p. 25)
La pratique généralisée de la délégation pastorale dans l’Eglise réformée de France semble attirer quelques théologiens de l’EERV. Mais cette pratique a été questionnée par le dialogue catholique-protestant en France.

9.5 Le flottement sacramentel lors de l’introduction du ministère diaconal (p. 26)
L’EERV n’a pas défini la fonction cultuelle du diacre lors de l’introduction du ministère diaconal dans les années 70. D’où de nombreux flottements ! Peu à peu on a introduit un ministère diaconal avec des responsabilités sacramentelles.

9.6 L’acte de consécration présidé par un(e) laïc (p. 26)
La pratique vaudoise d’alterner l’acte de consécration entre un ministre et un membre laïc du Conseil synodal a introduit un état d’esprit et induit un raisonnement a fortiori : si un(e) laïc peut présider l’acte de consécration, à combien plus forte raison pourra-t-il présider l’eucharistie. Cette pratique a été critiquée par la FEPS.

10. Propositions
10.1 Pour un renouveau du ministère pastoral de présidence de la cène (p. 27)
Pourquoi réserver la présidence de l’eucharistie à un(e) pasteur consacré ? Parce que cette présidence est : un service au nom de l’Eglise qui célèbre, enracinée dans le baptême et le sacerdoce universel, un charisme à exercer dans l’amour. Elle souligne l’initiative de Dieu. Elle met en évidence le vis à vis de Dieu avec son peuple. Elle est vitale pour l’unité de l’Eglise. Elle témoigne d’une pratique unanime de l’Eglise. Elle est réaffirmée fortement dans la théologie de la Réforme. Elle est une pratique constante dans notre Eglise jusque dans les années 1970. Elles est recommandée par la CEPE et la FEPS. Elle est une règle à laquelle les dialogues bilatéraux appellent à se conformer.

10.2 Pour un renouveau du ministère diaconal (p. 30)
En proposant que les diacres puissent célébrer en tout lieu et à tout moment la sainte Cène, en supprimant simplement pour eux la notion de délégation pastorale, le Conseil synodal n’aide pas à la clarification du ministère diaconal et continue à entretenir la confusion avec le ministère pastoral. De plus elle va à l’encontre des recommandations de la FEPS et de la CEPE.

10.3 Valoriser la liturgie diaconale (p. 31)
Il faut réfléchir à nouveau à la place du diacre dans la liturgie, car depuis la réintroduction du ministère diaconal, on ne l’a pas vraiment approfondie, puisqu’on a souvent transféré sur le diacre les fonctions pastorales.

10.4 Favoriser l’accession des diacres au pastorat (p. 32)
En vivant leur ministère plusieurs diacres se découvrent une vocation pastorale, en particulier en rassemblant le peuple de Dieu par la Parole et les sacrements. Il faudrait leur faciliter l’accès à la consécration pastorale par un complément de formation.

10.5 Pour un renouveau du laïcat dans une perspective œcuménique (p. 33)
Dans leurs réponses au BEM, toutes les Eglises, pas seulement les Eglises réformées, ont salué le fait que le thème du ministère soit traité à l’intérieur de la vocation de tout le peuple de Dieu, on a là une convergence oecuménique décisive : l’affirmation de la vocation du peuple de Dieu tout entier est devenue le point de départ de toute conception oecuménique du ministère.

10.6 Prédication laïque sans présidence eucharistique (p. 34)
C’est dans le cadre de cette vocation de tout le peuple de Dieu, que doit se penser le concept de « prédication laïque », comme un des dons divers et complémentaires que l’Esprit saint donne à l’Eglise. Aujourd’hui, c’est l’heure des laïcs sur l’horloge de l’Eglise. Mais on ne peut en aucun cas prévoir une délégation incluant la célébration de la cène par un laïc, comme le propose le Conseil synodal.

10.7 Pour un renouveau du culte, par une célébration corporative (p. 34)
Deux déviations guettent la dimension communautaire du culte : la cléricalisation et la laïcisation. C’est pourquoi le culte doit être « corporatif ». Il s’agit de discerner les talents de chacun, de mettre en œuvre le « Sacerdoce royal » de tous les baptisés, et de permettre qu’ils s’expriment dans le culte.

Dossier sur le ministère 


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