donner une rose

Se détacher en donnant

Je vous propose à nouveau de réfléchir sur la présence du Christ en nous et parmi nous.

Avec les  magnifique promesse du prophète Joël et de l’apôtre Paul : celle de la venue de Dieu au milieu de nous et en nous :

« Vous saurez que je suis au au sein d’Israël, que je suis le Seigneur votre Dieu et qu’il n’y en a pas d’autre » (Joël 2,27)

« Je suis crucifié avec Christ, et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ».

En tant que chrétiens nous croyons que toutes les promesses de Dieu se sont accomplies en Jésus-Christ.

Lui qui est venu du ciel, il a revêtu notre humanité afin de venir habiter au milieu de nous.

Il a vécu dans la chair au milieu de son peuple juif, il y a deux mille ans.

Il continue à être au milieu de nous par son Esprit saint, qu’il ne cesse de répandre sur son Eglise depuis la première Pentecôte.

Jésus au milieu de nous ! Il s’est assis aux tables des maisons où il était invité. Il est le convive invisible de nos tables, à commencer par celle qui se trouve dans cette chapelle, mais aussi partout où des hommes et des femmes s’unissent en son nom.

Jésus au milieu de nous ! Il a marché sur les chemins poussiéreux de Nazareth à Jérusalem. Il est le compagnon de nos marches. Il vient nous rejoindre sur nos chemins en nous donnant des amis pèlerins, pour que nous nous entraidions à avancer dans notre pèlerinage.

Le texte de l’Evangile nous montre justement cet homme qui marche, s’assied à table, se relève et se remet à marcher. Ainsi sont faites les journées de Jésus.

Et sur ce chemin, il a choisi des disciples, des apôtres, des hommes et des femmes pour être ses compagnons.

Car il ne veut jamais être seul. Il recherche toujours l’amitié des hommes et des femmes.

Il veut faire de sa communauté une parabole de la communion trinitaire d’où il vient et dans laquelle il reste secrètement, tant sa confiance et son union avec celui qu’il appelle son Père sont profondes.

Son désir et le but de sa venue : nous faire entrer comme lui dans cette amitié avec le Père.

Pour cela il vient au milieu de nous afin de nous entraîner dans un saint voyage qui ne s’accomplira que lorsque nous passerons de ce monde-ci vers celui où l’amour seul demeure.

 

Se détacher : condition de sa venue parmi nous

Jésus marche donc sur le chemin et voilà qu’il lance à la foule des paroles de feu. Des paroles qui sont comme une hache qui coupe le tronc. Des paroles qui vont jusqu’aux racines les plus profondes :

« Quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple » (Luc 14,33).

Des paroles qui nous impressionnent par leur caractère radical

Des paroles qui sont de la même veine prophétique que celles lancées par le prophète Joël.

Il faisait de l’humilité (du jeûne du coeur) la condition nécessaire pour que Dieu vienne au milieu de son peuple. « Ne déchirez pas vos vêtements, mais votre coeur » (Joël 2,13)

« Vous saurez que je suis au sein d’Israël, que je suis le Seigneur votre Dieu et qu’il n’y en a pas d’autre » (Joël 2,27). Paul, quant à lui, dit que la condition pour que  le Christ vienne en nous et parmi nous est d’être « crucifié » avec lui: « Je suis crucifié avec Christ, et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2,20).

Les paroles de Jésus sont radicales: il nous appelle au renoncement pour être son disciple et pour qu’il puisse marcher au milieu de nous. Renoncer: un verbe peu populaire…mais qui ouvre pourtant à la vie de l’Esprit.

Pour être son disciple, Jésus utilise des paroles fortes, des paroles exigeantes. Des paroles qui nous prennent « à rebrousse poil » et qui ne peuvent nous laisser indifférentes. Je suis obligé de me situer.

Il utilise diverses images : renoncer à tout, mourir à soi-même, mettre à mort notre vieille nature égoïste, se dévêtir de nos vieux habits, quitter sa famille et ses habitudes, ne pas se retourner après avoir mis la main à la charrue, crucifier ses mauvais désirs, oublier ce qui est derrière, le préférer à tout et même haïr sa famille.

Pourquoi Jésus utilise-t-il ces images ?

Pourquoi fait-il du détachement des biens la condition indispensable pour le suivre ?

« Simplement parce que la première richesse de notre existence, notre vrai trésor, c’est Lui ! Voilà pourquoi il nous invite à mettre de côté tout ce qui nous appartient, c’est-à-dire les idoles pouvant prendre en nous la place de Dieu.

Il nous veut libres, désencombrés de tout attachement et de toute préoccupation, pour pouvoir l’aimer de tout notre cœur, notre esprit et nos forces. Utilisons avec détachement les biens nécessaires pour vivre, mais restant prêtes à déplacer tout ce qui peut prendre la première place dans notre cœur. »1

 

L’appel au détachement

L’évangéliste Luc insiste en particulier sur la nécessaire simplicité et sur le danger de la séduction des richesses. C’est danns son évangile où Jésus dit qu’il est difficile à un riche d’être sauvé.

L’attachement à nos biens (qu’ils soient matériels, mais aussi intellectuels, scientifiques, culturels et même religieux) nous détournent du trésor des trésors : la présence de Jésus au milieu de nous.

L’attachement à nos biens nous détourne aussi de nos frères et sœurs.

Et se détourner de nos frères et sœurs conduit à nous détourner de Dieu. Car nous allons à Dieu aussi à travers nos sœurs et frères. « En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas ». (1 Jn 4,20)

Aujourd’hui, nous avons à garder cela à l’esprit. Parfois le matérialisme ambiant avec le cortège de tentations, la surinformation et les discussions interminables qu’elle suscite détournent notre attention de ce que nos frères attendent de nous.

Pourtant, comme nous y exhorte l’apôtre Pierre : « Ayez avant tout un amour constant les uns pour les autres » (I Pi 4,8), tout est là.

Si Jésus nous demande de vivre dans le détachement à l’égard de nos biens, c’est aussi afin de rester ouverts aux autres, accueillant et aimant le prochain comme nous-mêmes.

Le détachement nous protège du besoin de nous enrichir de plus en plus, qui peut prendre très vite la place de Dieu dans nos cœurs. Il nous protège aussi contre l’insensibilité à l’égard des pauvretés de notre monde.

Combien de familles se sont divisées à cause de questions d’héritages, combien de haines villageoises ! Combien de conflits entre des peuples auraient pu être évités si ceux qui se réclament du Christ avaient su mettre cet enseignement sur le renoncement en pratique !

Mais il y a encore une raison plus profonde pour vivre cet enseignement de Jésus.

Pour lui ressembler, lui qui de riche qu’il était s’est fait pauvre afin de nous enrichir de sa pauvreté. (2 Cor. 8,9)

La vie de Jésus, dès ses premiers instants a été marquée par le renoncement. Comme un exilé, il a quitté sa patrie, où il avait tout, dans la communion trinitaire. Il est né dans le dénuement. Il a vécu dans la simplicité avec ses disciples. Alors qu’il a suscité autour de lui l’amitié et la communion, il a été abandonné par les siens. Sur la croix, avant de mourir, il a du se détacher de tout, de sa mère et même du lien qui l’unissait à son Père en éprouvant son abandon.

Sur la croix, Jésus a été renoncement absolu, néant infini, vide total. Il n’avait plus rien à lui.

Il a tout donné à son Père. En lui, il n’y a plus que l’Amour. Et l’Esprit saint est venu remplir ce vide.

Il en va de même pour nous: tout renoncement est une porte ouverte à l’’Esprit saint. 

Demandons donc à l’Esprit saint de nous vider de nous-mêmes et de venir remplir lui-même ce vide.

Dans chaque renoncement, nous trouvons un tout infiniment plus précieux : la présence en nous de l’Esprit Saint, de l’Amour qui demeure pour toujours.

 

Se détacher en donnant

« Quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple »

Comment vivre cette Parole ?

« Le plus simple, pour « renoncer » est de « donner ». Donner à Dieu en l’aimant pour qu’il l’utilise notre don comme il veut.

Et pour lui montrer notre amour, soyons proches de nos frères et sœurs. N’oublions pas que nos richesses sont à partager : l’affection à donner, la cordialité à manifester, la joie à communiquer, du temps à mettre à disposition des autres, notre prière, nos richesses intérieures à mettre en commun.

Nous avons parfois des objets, des livres, des vêtements, des véhicules, de l’argent dont d’autres peuvent avoir besoin…

Donnons sans trop nous dire : Cela pourrait me servir encore en telle ou telle occasion… »

Si nous écoutons ces suggestions, de nombreux attachements s’infiltrent dans notre cœur. Non, cherchons à avoir et à ne conserver que le nécessaire. »1

Les biens le plus précieux sont la communion avec Jésus et sa présence au milieu de nous. Veillons à ne pas les anesthésier en nous attachant à quelque chose dont nous pourrions nous passer.

J’aimerais terminer par une petite expérience personnelle.

Un jour, un ami africain m’a demandé de lui prêter une importante somme d’argent pour que son frère puisse être opéré au Congo. Je la lui prête en lui disant qu’il pourra me rendre cette somme quand cela lui sera possible.

Or un mois plus tard, m’est arrivée, de manière inattendue, une part d’héritage qui correspondait exactement à la somme que j’avais prêté. J’ai compris alors que l’argent que j’ai prêté à mon ami ne m’appartenait pas. C’est Dieu amour qui prenait soin de son frère malade en Afrique, et il m’a jugé digne de m’utiliser comme un des canaux pour déverser son torrent de grâce. Et dans mon cœur une joie nouvelle.

Je crois que ce jour-là, il m’a été donné de vivre un peu de ce détachement dont parle l’Evangile.

Pourquoi ne pas commencer ou recommencer à le vivre dès aujourd’hui là où nous sommes. 

« C’est en donnant qu’on reçoit, c’est en s’oubliant qu’on se retrouve », dit la Prière de François d’Assise.

C’est ainsi que la paix commence dans notre monde, qui en a tant besoin.

C’est ainsi que le Prince de la Paix, notre Héros vient marcher avec nous sur nos chemins.

1 Parole de Vie, septembre 2004


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