Photo groupe Arusha. reduit

Etre disciple : à la fois un don et une vocation. L’appel d’Arusha.

Qu’est ce que je retiens de ma participation à la 14e Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation du Conseil œcuménique des Églises, en Tanzanie ? D’abord l’approfondissement du thème du « discipulat » comme nous y invite « l’appel d’Arusha à vivre en disciples ». Etre chrétien est avant tout une relation avec le Christ qui transforme nos vies, nos relations avec Dieu, les uns avec les autres et avec la création. De cette relation, nul ne doit être exclu. Le Christ nous utilise et nous envoie vers tous pour en faire connaître la beauté et la plénitude !

 Dans ce dernier article j’aimerais souligner trois dimensions, parmi d’autres. Cette Conférence a confirmé un élargissement de l’œcuménisme et a été marquée par l’Afrique. Elle a aussi été jeune et priante.

 

Un élargissement de l’œcuménisme

C’est la troisième conférence missionnaire du Conseil œcuménique des Eglises (COE) à laquelle je participe. En 2005 la conférence d’Athènes avait été un pas vers une reconfiguration du mouvement œcuménique incluant les Eglises évangéliques et charismatiques. Cette conférence avait surtout permis de clarifier les thèmes de la guérison et de la réconciliation en soulignant l’importance de la communauté fraternelle, née de la Parole du Christ et de l’Esprit Saint. (Lire ici mon compte rendu d’Athènes)

En 2010, la conférence du centième anniversaire d’Edinbourg a largement dépassé le cadre du COE, qui n’était que l’un des partenaires avec le Vatican et l’Alliance évangélique mondiale. « Un petit miracle de rencontre », comme je l’écrivais alors.

Cette conférence avait réaffirmé le caractère intégral de la mission. Le temps où l’on opposait évangélisation, action sociale et engagement pour la justice, la paix et le souci de la création est révolu. (Voir ici mon article)

La conférence d’Arusha confirme cet élargissement de la « tente » œcuménique. Mor Geevarghese Coorilos, président de Commission Mission et évangélisation l’affirme : « Nous ne croyons pas en la dichotomie artificielle entre oecuménisme et évangélicalisme. Des pentecôtistes et des évangéliques sont membres de notre commission. Ici nous faisons converger les deux courants ».

Si la conférence a mis un net accent sur la justice sociale et économique – ce qui est dans la tradition du COE, en particulier des Eglises protestantes – son thème sur l’Esprit saint et sur l’appel à devenir des « disciples transformés », rejoint les évangéliques.

 

Une conférence africaine

L’Afrique est le continent où le christianisme croît le plus rapidement. Toutes les Eglises sont missionnaires. Une fois de plus je m’en suis rendu compte en participant à un culte de l’Eglise luthérienne à Arusha. Temple comble et une ribambelle d’enfants ! Suite à ce culte l’évêque du diocèse de Meru, Eliasi Kitoi Nasari nous a expliqué l’accent mis sur l’évangélisation : il exerce son ministère avec 60 pasteurs…et 200 évangélistes, tous rétribués par l’Eglise !

groupe danse ArushaMa visite auprès du Conseil chrétien de Tanzanie m’a aussi ouvert les yeux sur la forte dimension diaconale de l’œcuménisme. Le Conseil met à disposition des Eglises membres deux grands camions de 40 tonnes et plusieurs autres véhicules pour leurs besoins. Ainsi la Société biblique peut bénéficier de cet appui pour la diffusion biblique tous azimuts.

Un beau moment de cette conférence a été le témoignage du grand théologien John Mbiti, qui a raconté l’aventure de sa traduction du Nouveau Testament dans sa langue maternelle. « Au commencement était la Parole », a-t-il dit en citant les premiers versets de l’Evangile de Jean en grec et en kikamba. C’est ainsi que l’évangélisation de l’Afrique a commencé…et continue. « Cette traduction a été une grande bénédiction pour moi. Elle m’a permis de suivre Jésus pas à pas et m’a donné une nouvelle image de mon Seigneur ».

Un atelier animé par l’Alliance biblique universelle a montré en effet combien la traduction de la Bible est déterminante pour l’évangélisation. Pour Nicta Lubaale, secrétaire général de l’Organisation des Eglises africaines instituées, elle est un des facteurs principaux de l’émergence des nouvelles Eglises en Afrique, qui ne proviennent pas de la mission du Nord. Cette organisation rassemble plus de mille nouvelles Eglises entre 300 et 3,5 millions de membres !

Nous avons entendu les cris de l’Afrique dans sa situation socio-économique. La théologienne congolaise Isis Kangudie Mana affirme que les communautés chrétiennes ont la responsabilité d’« inciter les gens à se lever pour les changements selon le projet que Dieu a pour son peuple au Congo ».

Les femmes africaines, en particulier, ont à jouer ce rôle prophétique : « Éduque un homme, tu éduques un individu ! Éduque une femme, tu éduques une famille ! » A temps et contretemps, cette conférence a conjugué le mot mission avec celui de justice, comme conséquence de la justification par la foi : justice économique, climatique, sociale, de genre …

Et pas seulement dans le contexte africain, mais partout où, dans les périphéries existentielles de notre monde, « crie la clameur des moissonneurs » et où « le juste est condamné et assassiné » (Jacques 5,4,6).

 

Une conférence jeune et priante

La Conférence a été précédée par celle du « GETI ». Cet « Institut mondial de théologie œcuménique » a rassemblé des jeunes théologiens de tous les horizons sur un thème semblable – «Traduire la Parole pour transformer le monde».

 Aldi Marianne Waqa                 Aldi Marianne Waqa, îles Fidji. Photo COENon seulement de nombreux jeunes étaient délégués ou visiteurs, mais aussi des jeunes théologiens ont apporté de belles contributions. Ainsi Mutale Mulenga Kaunda, une jeune pentecôtiste sud africaine a apporté l’exposé principal, le premier jour. L’intervention d’Aldi Marianne Waqa, jeune théologienne catholique des îles Fidji, a provoqué une des rares « standing ovation » de la Conférence. Cette participation d’une nouvelle génération est un bon signe pour le mouvement œcuménique.

Cette conférence était surtout priante. Un accent remarquable a été mis sur la vie spirituelle et les temps de prière étaient bien suivis. La spiritualité africaine, joyeuse et communautaire, s’est largement exprimée à travers plusieurs groupes de chants. Leurs rythmes ont marqué les participants.

« Agir selon l’Esprit pour vivre en disciples transformés », comme nous y invite le thème de la conférence, c’est d’abord l’invoquer dans la prière. Il n’y a pas de transformation sans prière.

Les catholiques et les orthodoxes le rappellent aux protestants et aux évangéliques (souvent guettés par l’activisme) en insistant sur l’eucharistie. Pour les premiers elle est la source et le sommet de la vie de l’Eglise. Pour les seconds la célébration liturgique est suivie de la « liturgie après la liturgie » qui inclut toutes les dimensions de la mission.

 

Une prière

Finalement cette rencontre a été pour moi une magnifique expérience du Ressuscité parmi nous. J’aimerais vous laisser cette prière qui lui est adressée :

Je t’ai rencontré dans la prière et la fraternité de ton peuple rassemblé.

Je t’ai entendu dans le partage des Ecritures, toi qui est la Parole.

Tu m’as secoué à travers les cris des plus démunis vivant dans les marges de notre monde.

Tu m’as enseigné à travers la sagesse et l’expérience des pasteurs et des docteurs de tous les horizons.

Tu as élargi ma vision de ton Corps d’une étonnante unité, d’autant plus forte qu’une diversité extraordinnaire s’y exprime.

Tu as fortifié ainsi mon espérance qu’un jour nous pourrons nous réunir tous ensemble autour de ta table pour nous nourrir de l’unique pain et nous abreuver à l’unique coupe de communion.

Pour la gloire de Dieu, le rayonnement de ton Evangile et le salut du monde !


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