2017 11 01 06.35.28

La femme courbée : de l’Eglise déformée à l’Eglise réformée !

Pour ce « dimanche de la Réformation » – le 500e – je voudrais faire un lien entre la Réforme et cette femme courbée dont parle l’Evangile. (Luc 13,10-17 ) Et dire d’abord que le besoin de réforme est constitutif de la vie de l’Eglise, au même titre que son unité, sa sainteté, sa catholicité et son apostolicité !

 Toujours l’Eglise a besoin d’être redressée, tournée vers le Haut, « re-formée ». « Réformé » est un adjectif qui ne qualifie pas seulement une Eglise particulière mais l’Eglise dans son pèlerinage terrestre. 

Dans le récit de l’Evangile, Jésus voit cette femme « toute courbée et absolument incapable de se redresser ».
Jésus la voit, l’interpelle et lui dit : « Femme, te voici délivrée de ton infirmité ! »
Puis il lui impose les mains et à l’instant même elle redevint droite et rendait gloire à Dieu.
C’est ainsi que Jésus veut l’Eglise, son épouse. Parce que le Christ l’aime il veut son Eglise debout, face à face, dans une relation d’alliance, dans un vrai dialogue.
Cette icône me le rappelle. Une amie iconographe me l’avait donnée alors que j’avais vécu un moment très difficile de ma vie et que le Seigneur m’avait relevé !

1. L’Eglise courbée

Cette femme, nous dit l’évangéliste était infirme depuis 18 ans parce qu’elle était possédée par un esprit mauvais.
Quel est l’esprit qui anime l’Eglise ? Le Saint Esprit ou d’autres esprits? Nous savons que nous sommes dans le monde mais pas du monde.
Mais il arrive que le monde entre dans l’Eglise et avec le monde le Prince de ce monde. Et quand le monde entre dans l’Eglise, il introduit toutes sortes de divisions et d’injustices.
Durant son pèlerinage terrestre, le monde risque constamment d’entrer dans l’Eglise
Le monde lie la parole de l’Eglise. Il la détourne du Christ, de sa simplicité, de sa justice, de son amour. Il la courbe sur elle même, elle devient son propre point de référence : « auto-référentielle », comme le dit souvent l’actuel évêque de Rome.
Cela a été vrai au temps de Martin Luther, comme au temps de François d’Assise, comme au temps d’Augustin d’Hippone.
Jésus critique la synagogue de son temps car elle était devenue auto-référentielle.
Est-ce vrai aussi pour l’Eglise d’aujourd’hui ? Sa tentation constante est de d’être son propre point de référence !
Ceci doit nous conduire à un nécessaire et constant discernement des esprits.
Quel est l’esprit qui nous anime ?
Quels éléments du monde lient le message de l’Eglise ?
Quelles forces culturelles paralysent sa vie ?

2. L’Eglise redressée

Cette femme courbée vers le bas et incapable de regarder vers le haut symbolise notre besoin de conversion.
Cette conversion est à la fois personnelle et ecclésiale.
C’est ainsi que les Pères de l’Eglise comprenaient ce récit.
« Le pécheur, dit Grégoire le Grand dans son commentaire, préoccupé des choses de la terre et ne recherche pas celles du Ciel, est incapable de regarder vers le haut : comme il suit des désirs qui le portent vers le bas, son âme, perdant sa rectitude, s’incurve, et il ne voit plus que ce à quoi il pense sans cesse. Faites retour sur vos cœurs et examinez continuellement vos pensées que vous ne cessez de rouler en votre esprit » (Homélies sur l’Evangile, 31)
La réforme de l’Eglise commence donc par la conversion personnelle et communautaire au Christ.
« Cherchez les choses d’En Haut, là où le Christ siège à la droite de Dieu. Préoccupez-vous de ce qui est là haut et non de ce qui est sur la terre… » (Col 3,1-4), dit l’apôtre.
C’est ainsi que Martin Luther comprenait la réforme de l’Eglise.
La première thèse – la plus importante – des 95 thèses qu’il a publiées le 31 octobre 1517 commence par un appel au repentir quotidien. Comme le Christ a appelé à la repentance au début de son ministère, le chrétien est appelé à se convertir chaque jour de mieux en mieux au Christ.
En quoi l’Eglise a-t-elle besoin de se convertir ?
Dans notre récit, Jésus est très sévère avec l’hypocrisie des pharisiens qui le critiquent parce qu’il a guéri cette femme un jour de sabbat.
Cette hypocrisie est la nôtre et celle de l’Eglise à travers les siècles. Nous avons sans cesse besoin de nous en guérir.
L’hypocrisie consiste à dire et ne pas faire,
à vivre à la surface de nous-mêmes,
à remplacer la foi en la Parole de Dieu par des traditions humaines,
à cacher la vérité,
à vouloir dominer les autres en imposant nos points de vue.
Egalement à se faire remarquer des autres par le « look », la course aux honneurs et aux privilèges…

Notre récit se termine par la prise de conscience des pharisiens : suite aux paroles de Jésus, ils avaient honte de leurs critiques.
La honte : émotion parfois salutaire !
Qu’est-ce que cela signifie pour le protestantisme ?
S’il est légitime d’être fier de tout ce que le protestantisme a apporté de positif pour l’Eglise et la société, ne devrions-nous pas nous repentir de toutes les divisions que la Réformation a provoquées ?
Nous repentir d’un certain rationalisme protestant qui vide la foi chrétienne de sa substance et vide les Eglises ?

3. L’Eglise, l’épouse aimée

Nous pourrions désespérer car nous voyons combien nos églises se vident et combien les pressions du monde sont fortes.
Mais nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes.
C’est l’amour du Christ lui-même qui nous pousse à la repentance.
C’est lui qui fait toujours le premier pas.
Combien ce récit de la guérison de la femme courbée me touche!
Jésus est ému de compassion en la voyant. Avant même qu’elle ait fait un pas vers lui, il l’interpelle, lui met ses mains sur sa tête et la redresse !
Car Jésus désire le face-à-face avec cette femme, la regarder dans les yeux.
Il veut vivre avec elle l’antique bénédiction : « Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nombres 6,22-27)
Le Christ veut son Eglise debout, face à lui, belle et resplendissante.
Il veut rencontrer le visage de son Epouse et la sanctifier en la réformant sans cesse.
Il veut nous détourner de nos incurvations pour nous tourner entièrement vers lui.
Comme le dit la belle prière de Nicolas de Flue, dont nous commémorons le 600e anniversaire de sa naissance :

Mon Seigneur et mon Dieu, arrache de moi
tout ce qui me détourne de toi.
Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me dirige vers toi.
Mon Seigneur et mon Dieu, prends-moi à moi
Et donne-moi tout en propre à toi.

Que ce Jubilé de la Réformation nous donne d’entendre l’interpellation du Christ,
de nous laisser toucher par Lui,
afin de nous relever
et d’être ensemble ses témoins !

Martin Hoegger


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