Résurrection, fraternité et sacrement

Dans l’évangile de Jean, ce n’est qu’après sa résurrection que Jésus appelle ses disciples  » frères « , lorsqu’il dit à Marie-Madeleine :  » Va vers mes frères et dis-leur : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »  » (20,17). Ceci est essentiel pour que nous comprenions le sens de la fraternité selon l’Évangile.

Il existe une « fraternité universelle » qui s’enracine dans le fait que tout être humain est créé à l’image de Dieu et que Dieu, parce qu’il est « Père tout-puissant », est le créateur de toute l’humanité.

C’est ce type de fraternité qui s’exprime, par exemple, dans le « Document sur la fraternité humaine » qui a été signé à Abu Dhabi par divers chefs religieux.

Mais il existe aussi une fraternité selon l’Évangile qui s’enracine dans la foi en la résurrection du Christ.

Par son incarnation, le Christ notre Dieu, est devenu notre frère, il est mort et ressuscité afin que nous devenions frères et sœurs en lui. Il nous tourne ensemble vers son Père et notre Père, il nous tourne aussi les uns vers les autres

Nous devons donc mettre le Christ ressuscité au cœur de nos relations pour vivre la fraternité.

C’est ce que je vis très concrètement dans l’initiative JC2033 à laquelle je collabore. Nous invitons les Églises à un pèlerinage vers 2033, les 2000 ans de la mort et de la résurrection du Christ. Nous mettons ainsi le Christ ressuscité au centre. C’est Lui qui nous unit ! Et nous découvrons de nouveaux frères et sœurs dans toutes les Églises et sur tous les continents. Nous désirons vivre son style de vie, témoigner de lui dans l’unité et lui préparer une grande fête pour ce Jubilé !

« Le sacrement du frère »

Par la résurrection du Christ, nous trouvons aussi de la joie en pratiquant le  » sacrement du frère « , comme disait Saint Augustin, en prenant conscience du lien profond entre la prière comme source du véritable amour désintéressé et la « diaconie », le service du prochain comme accomplissement de la prière.

La parabole du Jugement dernier, où le Ressuscité convoque l’humanité (Mt 25,40) et la parabole du Bon Samaritain (Luc 10,25-37) soulignent qu’en prenant soin les uns des autres, en étant le prochain de chacun, nous sommes en communion avec le Christ.

Dans l’évangile de Jean, le signe du lavement des pieds à la place de l’Eucharistie signifie que l’Eucharistie ne peut être un rite détaché d’une pratique cohérente de l’agapè (chap 13).

Pour Jean, le sacrement de l’autel doit toujours être interprété et vécu comme le sacrement du frère (cf. Mat 5, 23s). Négliger le sacrement du frère conduit au ritualisme, à une sorte d’esthétisme liturgique.

Dans l’Église des trois premiers siècles, non seulement le pain et le vin étaient nécessaires à la célébration de l’Eucharistie, mais aussi nos biens à partager, comme le dit Justin dans son « Apologie ». En effet Il appartient au président de l’assemblée de répartir le plus équitablement possible les dons (en nature et en espèces) collectés en vue de subvenir aux besoins des frères et soeurs nécessiteux (Apol. I,67,6-7).

Nous connaissons ce qu’écrivait Chrysostome : « Tu veux honorer le corps du Christ ? Ne le méprise pas lorsqu’il est nu. Ne l’honore pas ici, dans l’église, par des tissus de soie, tandis que tu te laisses souffrir du froid et du manque de vêtements. Car celui qui a dit : ‘Ceci est mon corps’, et qui l’a réalisé en le disant, c’est lui qui dit : ‘Vous m’avez vu avoir faim, et vous ne m’avez pas donné à manger’ (…) Quel avantage y a-t-il à ce que la Table du Christ soit chargée de vases d’or, tandis que lui-même meurt de faim ? ». (Homélie sur l’Évangile de Matthieu, 50)

Rappelons-nous aussi de l’ »Appel à la noblesse allemande », le texte le plus influent de Luther publié en 1520, dans lequel il affirme l’unité et l’égale dignité de tous les chrétiens par le baptême dans une société à deux vitesses, divisée entre clergé et laïcs, moines et chrétiens ordinaires. Ce sacrement fait entrer chaque personne dans une nouvelle relation avec le Christ et avec son prochain. Il s’agit véritablement d’un sacrement de fraternité :

« Mon cher, écrit-il dans un sermon de la même année, par le baptême, tu as noué des liens de confraternité avec le Christ, les anges et les saints, et tous les chrétiens sur terre ; tiens t’en à cette confrérie-là et satisfais à tes devoirs envers elle, et elle te suffira » (WA 6,452,32-35 ; Luther, Œuvres I, La Pléiade, Gallimard, Paris, 1999 p. 810)

Et du mot de Martin Bucer, le réformateur vivant à Strasbourg « l’Église est une fraternité où personne ne vit pour soi ».

Un anthropologue a proposé un jour un jeu à des enfants d’une tribu sud-africaine. Il a mis un panier de fruits près d’un arbre et a dit aux enfants que le premier arrivé gagnait tous les fruits. Au signal, tous les enfants se sont élancés en même temps…en se donnant la main ! Puis ils se sont assis ensemble pour profiter de leur récompense.

Lorsque l’anthropologue leur a demandé pourquoi ils avaient agi ainsi, alors que le premier aurait pu avoir tous les fruits, ils ont répondu : « Ubuntu ». Comment l’un d’entre nous peut-il être heureux si tous les autres sont tristes ? Ubuntu dans la culture Xhosa signifie : « Je suis parce que Nous sommes ».

C’est une nouvelle grammaire : celle de l’amour réciproque qui commence par Tu, puis par Je. Elle nous conduit à nous mettre à l’intersection de deux écoutes : celle des hommes et des femmes de notre temps et celle de la Parole. C’est l’Evangile qui est premier et porteur d’avenir, et non l’Institution, qui lui est soumise et qui y puise ses racines et son élan.

« Faisons donc attention les uns aux autres pour nous stimuler dans la charité et les bonnes œuvres » (Hébr. 10,24)


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