cène bose

88’643 dimanches !

Le 7 mars 321, l’empereur romain Constantin a proclamé le dimanche férié dans tout l’empire. C’était donc jour pour jour, il y a 1700 ans. Donc nous avons vécu 88’643 dimanches depuis ce dimanche-là ! (Avec dans une année, approximativement 52,143 semaines)

Influencé par les chrétiens, Constantin a en effet décrété que le dies solis (le jour du soleil) serait un jour férié dans tout l’empire et l’a placé sous une protection spéciale.

Ce jour de mars 321 est donc considéré comme le premier moment d’une législation d’État pour la protection du dimanche.

La tradition chrétienne d’un jour de repos commun et régulier dans une semaine de sept jours découle du Shabbat du judaïsme, avec lequel les chrétiens partagent des textes centraux.

Notons, toutefois, que si à Rome, le jour du soleil est devenu le premier jour de la semaine chrétienne, ce fut sous l’influence de la semaine juive, adoptée par les chrétiens. Le dies solis n’a eu aucune influence sur l’origine du dimanche chrétien.

Cet anniversaire nous rappelle que parmi de nombreuses autres valeurs, le jour sans travail est un cadeau de la tradition judéo-chrétienne à tous les peuples.

Avant cette décision, l’empire romain ne connaissait pas la semaine de sept jours et les esclaves et serviteurs étaient corvéables à merci.

L’instauration du dimanche a donc été une révolution sociale.

 

Une pertinence nouvelle à cause de la pandémie

L’expérience de la pandémie du Coronavirus montre à quel point les gens ont besoin d’une « structure du temps ».

En même temps, le rythme si important entre le travail et le temps libre est devenu de plus en plus flou en raison du travail à domicile ou des horaires de travail décalés.

Mais l’âme humaine a besoin de l’interruption de la vie quotidienne. Le dimanche est un tel jour pour se déconnecter et il offre la possibilité de passer du temps ensemble, librement.

 

Réfléchir sur le sens du dimanche

La pandémie a mis à mal les célébrations du dimanche à cause des nombreuses restrictions qui ont été imposées par les gouvernements.

Le temps n’est-il pas venu de réfléchir à nouveau sur le sens du dimanche ?

Dans une étude dont je me suis inspiré pour ce message, Enzo Bianchi, le premier prieur de la communauté de Bose, écrit que « le dimanche est un thème capital pour l’avenir de l’Église et de la foi ».1

Il note aussi que le sabbat a constitué Israël en peuple de Dieu et l’a empêché de s’assimiler au monde. De même sans le dimanche, la foi chrétienne risque de s’assimiler au monde.

 

Le sabbat

Commençons par le sabbat, sans lequel il n’y aurait pas de dimanche, ni de semaine de sept jours !

Le sabbat démontre que le grand œuvre d’Israël a été l’architecture du temps. La foi d’Israël vise à la sanctification du temps bien plus qu’à celle de l’espace.

Le sabbat a plusieurs significations. Il est d’une immense richesse à tel point qu’il faudrait l’approfondir durant toute une année !

Voici trois éléments essentiels : le sabbat est un signe de la création, un rappel de la rédemption et une anticipation du temps messianique.

 

Un signe de la création

Se souvenir que le Seigneur s’est reposé le 7e jour de la création et se reposer soi-même est le premier sens du sabbat.

 Le repos n’est seulement pour l’homme, mais aussi pour les animaux. Le sabbat protège la liberté de chacun. Aucun travailleur n’a le droit d’être exploité.

La terre aussi doit se reposer tous les sept ans : aucun champ ne sera cultivé et Israël fera confiance à Dieu qui pourvoira malgré l’absence de culture. De plus tous les 50 ans, c’est-dire sept fois sept ans, au début de l’année jubilaire, les esclaves seront libérés et les dettes effacées.

Les rabbins aimaient à dire que, le jour du sabbat, l’homme fait confiance à Dieu, parce que durant six jours, Dieu a fait confiance à l’homme.

Le but du sabbat est de nous amener à la paix, au « shalom » et à la bénédiction. C’est la promesse donnée à ceux qui mettent en pratique le sabbat et les autres commandements. (Lev 35,18-22).

 

Un rappel de la rédemption

L’autre grand texte sur le sabbat fait le lien avec la libération d’Égypte (Deut 5,12-15). Ce jour-là chacun doit se souvenir qu’il a été esclave en Égypte et que Dieu a libéré son peuple. Par conséquent personne ne travaillera, en particulier les serviteurs.

Le texte dit que « durant six jours tu serviras », mais le 7e jour est cessation de tout service de la terre et se concentre sur le service de Dieu, où Israël se rappelle que le Seigneur est son sauveur (Deut 5,13).

Le sabbat est donc une célébration de la fraternité et de la justice, un jour d’écoute de Dieu et de communion avec lui.

 

Une anticipation de l’ère messianique

Les prophètes annoncent aussi un temps de paix et de repos absolu, où l’harmonie entre les peuples, le bonheur, la joie et la sécurité règneront.

Le sabbat est un avant-goût du monde futur, où on entre dans le repos de Dieu, où « la paix coulera comme un fleuve » (Esaïe 66,12)

 

Jésus et le sabbat

Jésus n’a pas aboli le sabbat mais lui a donné une signification profonde, comme jour de paix, de vie, de communion avec Dieu. C’est pourquoi il commence son ministère le jour de sabbat en annonçant que le sabbat messianique est présent dans sa personne (Luc 4). Comme signe de cette plénitude, Jésus aime faire des guérisons durant ce jour.

Les apôtres n’ont pas cessé d’observer le sabbat après la résurrection. Dans l’enseignement de Jésus et des apôtres, le sabbat reste toujours une « alliance éternelle » (Exode 31,16) et un « signe éternel » (Esaïe 31,17).

Aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps, le peuple juif est témoin de ce signe et de cette alliance qui n’ont jamais été révoqués.

 

Le premier jour de la semaine

Avec la Résurrection du Christ, le premier jour de la semaine s’est ajouté au sabbat.

Rappelons que la Résurrection du Christ et le don de l’Esprit à Pentecôte – ces deux événements que le peuple juif attendait à la fin des temps – sont situés le premier jour de la semaine.

Rappelons aussi que pour les juifs, c’est au soir qu’un nouveau jour commence

On voit qu’au début les disciples du Messie Jésus continuent à observer le sabbat, mais au soir de celui-ci, ils font aussi mémoire de la Résurrection de Jésus. Pour cela ils se réunissent pour un repas, « la fraction du pain ».

C’est ce qu’on voit dans le livre des Actes, où la communauté est réunie pour écouter Paul. Il prêche si longtemps qu’un jeune homme s’endort et tombe de la fenêtre. On le trouve mort, mais Paul le relève vivant, puis il rompt le pain, à savoir célèbre le repas du Seigneur (Cf Actes 20,7ss).

Mais ce lien magnifique entre le sabbat et le dimanche a été malheureusement perdu, notamment à cause de l’antijudaïsme de l’Église qui s’est manifesté très tôt, dès le début du 2e siècle. C’est une grande richesse de redécouvrir ce lien aujourd’hui. Le dialogue judéo-chrétien nous y aide !

 

En résumé

Le sabbat est le mémorial de la création, de la rédemption et de l’alliance. Le dimanche, quant à lui, intègre des valeurs du sabbat. Il fait mémoire de la résurrection du Messie, événement par excellence de la nouvelle création, de la victoire de la lumière sur les ténèbres et de la vie sur la mort.

Durant la célébration du repas du Seigneur, on annonce « la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». Le dimanche est anticipation du retour du Seigneur à la fin des temps.

 

Vivre aujourd’hui le dimanche

J’aimerais, en conclusion, lancer rapidement trois invitations : ne pas déserter les assemblées ; mettre le repas du Seigneur au cœur du dimanche et retrouver le lien du dimanche avec le sabbat.

 

La crise du dimanche ne date pas d’aujourd’hui

Déjà les premiers chrétiens étaient exhortés à « ne pas déserter les assemblées » (Hébreux 10,25), alors qu’ils savaient qu’on ne peut vivre la communion avec le Seigneur sans vivre la communion avec les frères et sœurs.  

L’Enseignement des apôtres, un texte du début du 3e siècle exhortait : « ne vous laissez pas aller et ne privez pas le Sauveur de ses membres, ne déchirez pas son corps et ne le dispersez pas en ne participant pas à l’assemblée ». (II,59,3)

La crise du dimanche ne date donc pas d’aujourd’hui ; le premier signe de la crise de la foi est l’abandon du culte. Y participer n’est pas une question de discipline, mais d’identité chrétienne.

 

Le repas du Seigneur au cœur du dimanche

Très tôt, le cœur du dimanche a été le repas du Seigneur. Par la communion au pain et au vin, se vit la communion au Corps du Christ.

Pour les premiers chrétiens, il était un acte essentiel. Ils lui accordaient la priorité sur tout, au point de le célébrer avant l’aube et de le prendre en temps de persécution, quand il était interdit, comme l’ont fait les martyrs d’Abitène, en 301. Ceux-ci ont répondu au consul romain qui les a mis à mort : « sans le repas du Seigneur, nous ne pouvons pas vivre ».

Et pour nous aujourd’hui, quel est la place du repas du Seigneur ?  Pouvons-nous dire avec le martyr Félix : « On ne peut être chrétien sans le repas du Seigneur, ou célébrer le repas du Seigneur sans être chrétien ».

 

Retrouver le lien du dimanche avec le sabbat.

J’ai déjà dit que le dimanche chrétien n’abolit pas le sabbat juif, ni ne le remplace, mais l’enveloppe de la lumière de la résurrection de Jésus. Redécouvrir le sens du sabbat juif nous conduit à :

  • reconnaître le Dieu créateur en respectant son rythme écologique,
  • prendre de la distance par rapport à notre travail,
  • vivre le temps de l’écoute de Dieu dans la paix et le repos,
  • faire la fête en prenant soin de notre famille, de nos amis et en pratiquant une convivialité qui s’étend aux pauvres.

Que le Christ, maître du sabbat, nous attire à lui pour donner le repos à nos âmes ! (Mat 11,28)

Qu’il fasse de nous les témoins de sa glorieuse résurrection que chaque dimanche proclame !

 

Une prière

Venez avec moi dans un endroit isolé, loin de tout le monde, pour vous reposer un peu (Marc 6,31)

Seigneur, chaque dimanche tu nous appelles à nous tourner vers toi.

Nous avons goûté à ces moments où tu viens à notre rencontre,

Afin de nous introduire dans la communion du Père et de l’Esprit.

 

Nous voilà maintenant avec toi, à l’écart. C’est pourquoi nous te prions :

Rafraîchis notre terre aride et apaise notre faim de bonheur,

Panse notre cœur blessé et purifie nos yeux fatigués,

Renouvelle notre intelligence limitée et fortifie nos mains.

 

Oui, Seigneur, nous voulons monter sur ton bateau,

Naviguer avec toi et les apôtres entre les rives du lac

Où se rassemblent les foules égarées, sans bergers.

 

Quand nous nous rassemblons pour t’écouter,

Nous partageons ce que nous avons reçu de toi,

Et nous réjouissons en compagnie de ton peuple

Tourné vers toi avec les anges, sur terre comme au ciel.

 

Donne-nous d’être fidèles à ton jour et à ta prière

Pour recevoir de toi force et sagesse,

Unité et élan pour vivre l’Évangile de la paix

Et répondre à la recherche de cette génération.

 

Lire ici d’autres « prières pour le repos de nos coeurs »

1 Enzo Bianchi, Le Jour du Seigneur. Pour un renouveau du Dimanche. Mame, Paris, 1992, p.19

 


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