Jesus pleure

L’âpreté de l’Évangile : Lectio sur Matthieu 23

Voici un chapitre difficile de l’Évangile où Jésus invective les autorités religieuses, dénonçant leur hypocrisie et leur double langage. Parfois ses paroles nous sont tellement familières qu’elles sont comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Mais ici on est choqué par leur dureté. Que veut nous dire cette « âpreté » de l’Évangile ?

 

Une prière

Esprit saint, tu nous visites

et fais habiter le Christ en nous.

Il est le seul juste et saint parmi nous,

le nouvel Adam en qui bat le cœur de Dieu

et en qui rayonnent tous tes dons.

 

Esprit saint, tu animes l’Église,

corps dont le Christ est la tête

et nous sommes les membres.

Tu donnes des dons différents à chacun

pour que nous ayons besoin les uns les autres.

 

Esprit saint, tu es source de l’amour

sans lequel nous ne sommes rien.

Cet amour qui a dirigé Jésus

durant toute sa vie, jusqu’au don de soi,

répands-le avec abondance sur nous tous !

 

Jésus invective les autorités religieuses de son temps devant foule et disciples. Dans l’Évangile, il y a le « deux ou trois » … mais aussi la dimension des foules, l’aspect public de l’Évangile (v. 1).

Que Jésus critique ainsi ouvertement les autorités, il signe son arrêt de mort., Que leur reproche-t-il ?

 

a) D’abord leur relation avec la Parole de Dieu.

Ils disent sans faire. Jésus invite à les écouter mais à ne pas les imiter. (v. 2-3) Il faut les écouter dans la mesure où ils sont fidèles à la Parole de Dieu. Mais, surtout, la Parole est à vivre. « Ce ne sont pas ceux qui me disent Seigneur, Seigneur qui entreront dans le Royaume de Dieu »…

La Parole de Dieu est une Parole de liberté. Tout enseignement en dehors de celle-ci (qui ajoute, retranche ou tord son sens) nous emprisonne. (v. 4) Celui qui le fait ne connaît pas la puissance de Dieu, car Dieu est présent dans sa Parole, ni la force du Christ car Jésus est la Parole. (Jean 1,1)

 

b) Puis leur relation avec le peuple de Dieu

Jésus critique aussi les autorités car elles aiment les honneurs, le décorum : tendance très humaine que l’on trouve aussi dans l’Église !

Or il affirme avec force que tous sont frères et serviteurs. Il n’y a qu’un seul Père, un seul maître et docteur ! Et c’est le Christ (v. 5-7).

Frères et sœurs du Christ on le devient en vivant la Parole de Dieu. « Qui sont ma mère et mes frères, sinon ceux qui vivent la Parole de Dieu » ? 

C’est après sa résurrection que Jésus appelle ses disciples frères et sœurs. C’est dans la communion avec le Ressuscité qu’on découvre le sens profond de la fraternité chrétienne (Jean 20).

Contre le goût du prestige des autorités Jésus affirme : « Qui s’abaissera sera élevé ». En fait il parle d’abord de lui-même dans son abaissement. C’est la logique de l’incarnation dont Christ est le premier témoin. Et qui est la vocation de tous !

Cette vocation signifie « se rendre proche ». L’humilité de Jésus est le chemin vers l’unité.

 

Les huit malheurs

Dans la deuxième partie de ce texte (v. 13-32) Jésus annonce huit malheurs qui prennent le contrepied des huit béatitudes. Au lieu de commencer par « heureux », les invectives commencent par « malheureux » … Sur quel ton Jésus dit-il ces paroles ? Avec des larmes ou en avec dureté ? Essayons de l’imaginer ! Sans doute l’interprétation sera différente !

a) v. 13. Malheureux ceux qui ferment la porte du Royaume de Dieu. Le Royaume c’est la présence Dieu parmi les hommes dans la personne de Jésus. Ils sont malheureux ceux qui ne mettent pas Dieu et son Messie en premier. C’est le contraire de la béatitude de la pauvreté du cœur qui promet le Royaume de Dieu. Le cœur pauvre – ou l’humilité – ouvre la porte du Royaume.

 

b) v. 14 Malheureux ceux qui sont avides…C’est le contraire de la béatitude de la douceur qui reçoit la promesse de l’héritage de la terre. 

 

c) v.15 Malheureux les responsables qui n’accompagnent pas ceux qu’ils ont initié à la foi… Ce sont les mauvais bergers, les mercenaires que dénonce le bon berger. C’est le contraire de la béatitude la miséricorde.

 

d) v.16-22 Malheureux ceux qui jurent et utilisent le nom de Dieu ! Dieu ne s’achète pas, ni se manipule. Jésus appelle à la confiance en un Père à qui tous peuvent s’adresser comme des petits enfants.

 

e) v. 23-24 Malheureux ceux qui oublient la règle d’or et le double commandement d’amour. Toute l’Écriture doit être lue à travers « la justice, la bonté et la fidélité» qui résument et donnent le vrai sens de la « loi et des prophètes », sinon on tombe dans le légalisme. Il faut lire toute l’Écriture à travers le Christ qui l’a accomplie.

 

f) v. 25-26 Malheureux ceux qui vivent à la surface des choses : les hypocrites sans sincérité ni honnêteté. Ces deux vertus sont les plus importantes. Jésus les a incarnées : il est la Parole faite chair. En lui aucune contradiction entre ses paroles et ses actions. Jésus fait ce qu’il dit : il a vécu dans une intégrité totale la béatitude de la « pureté du cœur ». Il est notre modèle, maître et docteur. Il nous enseigne la sincérité et l’honnêteté et, quand nous nous tournons vers lui, il nous donne son Esprit pour recevoir la force d’être intègre.

 

g) 27-28 Malheureux ceux qui vivent une double vie. Comme dans les deux versets précédents Jésus critique l’hypocrisie, la double vie et le double langage. C’est le grand risque des responsables religieux. Par son insistance sur l’intégrité et la sincérité, Jésus montre encore une fois que le plus important est de vivre la Parole, d’aimer Dieu de tout son cœur et d’aimer son prochain comme soi-même. Son idéal est une vie sobre et sincère devant Dieu et devant les hommes, une vie qu’il a incarnée. Son idéal nous est accessible par la communion avec lui.

 

h). 29-32 : Malheureux ceux qui glorifient les prophètes en leur construisant des tombes…mais qui vont achever l’œuvre de ceux qui les ont tués en mettant à mort le « Prophète plus grand que Moïse», le Messie Jésus. Heureux ceux qui sont persécutés, disent deux des huit béatitudes…mais malheureux les persécuteurs, dit ici Jésus ! En définitive le plus grand malheur est de rejeter le Christ. Il n’y a qu’un seul malheur : ne pas l’aimer !

 

Une remarque : Jésus nous a dit de ne pas juger. Lui-même dit qu’il n’est pas venu juger le monde, mais pour le sauver (Jean 3). « Moi, je ne juge personne » (Jean 9).  

Mais ici il juge ! Est-il en contradiction avec son enseignement ?

En fait Jésus montre dans ce chapitre qu’il peut juger, car il juge avec justice. Il est le Juge souverain, divin, le roi de nos cœurs. S’il le fait ce n’est pas pour nous assommer mais pour nous appeler au changement, à la conversion.

Personnellement je le vois dire ces sévères avertissements dans les larmes : il nous aime et veut notre vie. Ainsi il nous appelle à rejeter énergiquement toute hypocrisie, avidité, double vie et double langage pour rechercher non moins énergiquement l’honnêteté et l’intégrité dans la communion avec lui.

Finalement il nous pose la question : où est-ce que je me situe ?

Ce passage invite à choisir la vie, la vérité source de vraie liberté, le Christ, constamment ! 

 

Passé, présent et avenir

V. 33-36 Jésus parle à deux groupes : les pharisiens et les scribes qui vont mettre un sommet aux violences. L’autre groupe est les prophètes et les sages envoyés par lui. Ceux-ci sont martyrs de la vérité. Ils sont placés dans l’histoire universelle, depuis le sang d’Abel jusqu’à celui de Zacharie. (Genèse 4 et 2 Chroniques 24). Cette longue histoire va aboutir au jugement.

V. 37-39 : Jésus exprime son regret devant le refus de Jérusalem de se laisser rassembler. Puis il annonce sa propre disparition et son retour. Il n’échappe pas à la mise à mort des prophètes, mais il annonce le dénouement : son retour.

Ce texte récapitule le passé, le présent et l’avenir. Est-il possible d’échapper à la spirale de la violence ? La venue du Fils et l’envoi des prophètes brisent la fatalité et maintient ouverte la question de la vérité. « La lumière est venue dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. » (Jean 1). Ce n’est pas parce que les prophètes sont tués que le mensonge triomphera. 

La volonté de Dieu de sauver reste à l’ordre jour. Son amour est plus fort que le péché des hommes. 

 

 Deux prières à partir de ce texte

I.

Jésus, tu t’es abaissé jusqu’à nous

afin de nous élever vers toi.

Tu es devenu serviteur

afin de nous donner un exemple.

Tu t’es rendu proche de nous

afin que nous devenions le prochain de chacun.

Tu es parmi nous le Fils du Père

afin que nous nous considérions frères et sœurs.

 

Oui, Jésus, que devant toi et en toi

nous nous rendions transparents à toi,

rejetions toute duplicité

et vivions dans la sincérité !

 

II.

Seigneur, nous avons été exposés à ta Parole

âpre et rugueuse, plus tranchante que le rasoir.

Que nous la laissions faire son œuvre en nous

en lui ouvrant résolument notre cœur

et en le fermant à toute insinuation du diviseur !

 

Ainsi nous deviendrons ces « sages et prophètes »

que, dans ton amour, tu veux envoyer.

Comme les disciples d’Emmaüs nous te disons :

Reste avec nous, le jour baisse et la nuit approche !

Envoie-nous et rejoins-nous sur tous nos chemins !


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