Chemin Dolomites

Le Paradis est un chemin

Je vais vous parler aujourd’hui du « Paradis ».

Ce mot fait partie de notre langage courant pour désigner un lieu beau et paisible ou un moment de vie intense. Pour les croyants de beaucoup religions il symbolise la communion avec Dieu, particulièrement celle qui nous attend dans l’au-delà après notre mort.

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Étymologiquement il vient du persan « pardēz » qui signifie enclos, jardin. Il est repris par le grec « paradeisos » qui a le même sens.

L’hébreu a aussi translitéré ce mot. Pardès a le sens de « verger » et apparaît trois fois dans la bible hébraïque.1

Dans le récit du jardin d’Eden (Genèse 2-3), la traduction grecque de l’Ancien Testament (La Septante) a traduit le mot « jardin » (Gan) par « paradeisos ». Elle l’utilise encore à d’autres endroits pour désigner la communion avec Dieu.2

Le Nouveau Testament utilise le mot « paradeisos » trois fois. Il y exprime la communion avec Dieu à travers le Christ.

Le passage le plus connu est la réponse de Jésus au « bon larron » sur la croix : « Amen, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». (Luc 23,43)

Paul, quant à lui, partage une expérience mystique en racontant qu’il « fut enlevé au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de répéter. » (II Corinthiens 12,4)

Et le livre de l’Apocalypse parle de « l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu », pour parler de la plénitude de l’union à Dieu (Apoc 2,7). Dans la foi au Christ, la communion avec Dieu, symbolisée par l’arbre de vie, qui a été perdue par Adam et Eve, est retrouvée.

 

Dans les Dolomites

Mais pourquoi vous parler aujourd’hui du « Paradis » ?

En fait c’est un mot que Chantal et moi avons entendu à plusieurs reprises, ces derniers temps. Nous avons participé à une rencontre du mouvement des Focolari dans les Dolomites.

Or dans ce mouvement auquel je suis relié depuis 25 ans le mot « Paradis » renvoie à une expérience particulièrement forte de communion avec Dieu faite il y a 70 ans. Une expérience qui a commencé le 16 juillet 1949 et qui a duré plusieurs semaines.

En souvenir de cette expérience, chaque année les Focolari organisent une rencontre d’été d’une semaine à la montagne – appelée « Mariapoli ».

Pourquoi « Mariapoli » ? Littéralement ce néologisme signifie « ville de Marie ». Marie considérée comme celle qui a vécu l’Évangile. L’Évangile qui appelle à accueillir et à reconnaître la valeur de chacun.

Cette année, ils ont proposé quatre Mariapoli d’une semaine au niveau européen, dans les Dolomites. Durant notre rencontre, des gens de 21 pays sont venues à Primiero, au pied de ces extraordinaires montagnes en forme d’aiguilles.

Sans doute, il est urgent de se rencontrer dans une Europe divisée par le défi des migrations. Parmi les chrétiens il y a des manières très différentes de le relever, en particulier entre l’est et l’ouest de l’Europe. Il fallait se rencontrer et se comprendre pour essayer de donner un témoignage d’unité.

 

Viser haut !

Le thème de cette rencontre s’intitulait « Puntare in alto » : « viser haut » !

Cette expression a été utilisée par un alpiniste de la région qui disait son impression en voyant ces jeunes femmes qui ont passé ces deux mois dans sa vallée, en 1949.

« Imite ces jeunes, a-t-il dit à sa fille, elles nous stimulent à viser haut, à nous élever ».

« Après leur départ j’ai compris que je devais vivre comme elles m’ont enseigné. C’est ce que j’ai essayé de faire durant toute ma vie », a dit la fille de cet alpiniste.

Mais qui étaient ces jeunes âgées entre 20 et 30 ans ?

Elles venaient de la région de Trente. Durant la guerre de 39-45 elles se sont réunies dans des caves lors des bombardements des alliés.

Elles n’avaient que le Nouveau Testament et à la lueur d’une bougie elles lisaient de paroles qui prenaient vie.

Alors que tout s’écroulait autour d’elles, elles ont reçu cette conviction qu’une seule chose demeure : Dieu et son amour.

Un jour elles ont ouvert l’Évangile à la page où Jésus prie son Père « afin que tous soient un ». Et elles ont eu l’impression que ces paroles étaient écrites pour elles !

Dès lors elles ont compris qu’elles avaient à vivre pour l’unité !

Très vite, elles ont cherché à faire rayonner leur expérience et une petite communauté s’était formée autour d’elles.

 

Le fruit de la Parole vécue 

Pour ce groupe, la Parole de Dieu était devenue le cœur de leur vie spirituelle. A tel point qu’elles copiaient les textes du jour après la messe et les distribuaient. Elles invitaient ensuite à vivre ces Paroles de Dieu.

Cette importance donnée à la Parole était surprenante dans le catholicisme d’alors. Certains les suspectaient d’être devenues protestantes !

Il n’est donc pas étonnant que, quelques années plus tard, des protestants se soient intéressés à cette spiritualité qui apporte une brise rafraichissante d’Evangile. Et qu’aujourd’hui des protestants sont membres de ce mouvement…dont votre serviteur !

Mais la Parole de Dieu est vaste. Plus profonde qu’un océan !

Sur quoi ont-elles mis l’accent dans les Ecritures ?

Dès le début elles ont insisté sur cette Parole dans laquelle Jésus synthétise tout son message. Cette parole qu’il appelle « mon commandement nouveau » : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15,4-17).

Et un jour, elles ont commencé à pratiquer un « pacte de l’unité » où elles se promettaient de vivre ce commandement nouveau, envers et contre tout !

J’y reviendrai tout à l’heure.

 

L’entrée dans le « Paradis »

En juillet 1949, alors qu’elles étaient en vacances dans les Dolomites, et qu’elles vivaient dans cet esprit, l’une d’entre elle, Chiara Lubich, a fait une expérience singulière.

Elle est entrée dans la petite église de Tonadico pour prier.

Or au moment où elle voulait adresser sa prière à Jésus, elle n’a pas pu prononcer son nom. Un seul mot est sorti de sa bouche : « Père » ! Et alors elle fait une profonde expérience de communion avec Lui. Une expérience mystique peut-être analogue à celle dont parle l’apôtre Paul (II Corinthiens 12,4).

Elle a appellé cette expérience le « Paradis ».[3]

C. Lubich a tout de suite partagé cette expérience avec ses compagnes et a compris qu’elle a vécu cette parole de Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20).

Jésus en elle ne pouvait se prier lui-même : c’est pourquoi elle a prononcé le nom du Père.

Le plus beau fruit de la Parole vécue, célébrée dans l’eucharistie et rencontrée dans le frère et la sœur à aimer est que Jésus vient vivre en nous.

Quand nous vivons sa Parole, Jésus nous greffe sur lui, il vient vivre en nous et oriente notre vie vers le Père.

 

Le Paradis est un chemin

Désormais le sens de notre vie est de marcher ensemble vers le Père, avec Jésus en nous et au milieu de nous.

C’est une nouvelle manière de comprendre la vie chrétienne.

Le « Paradis » est ce chemin avec Jésus vers le Père.

Si nous vivons en son nom son commandement nouveau, il est à la fois en nous, mais aussi au milieu de nous. Comme il le promet : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mat 18,20)

Ce voyage ensemble commence déjà maintenant et s’épanouira dans l’au-delà.

Le chemin d’Emmaüs est un symbole lumineux de cette marche où Jésus nous rejoint, nous fait comprendre les Ecritures, nous rassemble autour d’une table, pour nous tourner vers le Père.

Le Paradis est un chemin où l’on avance pas à pas, en s’entraidant, en accueillant Jésus dans le frère et la soeur. Il nous conduit vers une maison où une table nous attend. Cette maison, on la construit ici-bas et on l’habitera dans l’au-delà. 

On la construit en vivant la Parole qui nous centre sur le commandement nouveau et en la célébrant dans l’eucharistie. Le Christ est alors parmi nous, paradis anticipé, et nous entraîne vers la maison du Père.

J’aimerais conclure avec cette prière :

Père,

Avec Jésus parmi nous,

Avec tous les membres de son corps 

Nous nous tournons vers toi pour te dire :

Abba, Père, nous t’aimons, car tu nous as aimé le premier. 

Tu as versé en nous ton amour à travers Jésus, ton Fils très aimé. 

C’est pourquoi nous te supplions :

Rends-nous humbles et dépendants de toi!

Fais de nous des tout petits à qui tu veux bien te révéler ! 

Avec Jésus, notre frère, nous voulons marcher vers toi,

en vivant son commandement nouveau,

et déjà respirer l’atmosphère du paradis

que nous vivrons pleinement au dernier jour. Amen 

.

Introduction au Pacte de l’Unité

Nous allons vivre le « pacte de l’unité », une pratique courante dans le mouvement des Focolari depuis 1949.[4] 

De quoi s’agit-il ?

D’une réalité à la fois très simple et très profonde !

Très simple car il s’agit du cœur de l’Évangile. Avant de quitter les siens Jésus leur a donné son «commandement nouveau » : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15,4-17) Il a résumé en cette seule Parole toutes les autres Paroles. Celle-ci est vraiment la synthèse de l’Évangile. 

En insistant sur ce commandement nouveau, la spiritualité de communion (du mouvement des Focolari) nous conduit donc au cœur de l’Évangile.  

Mais le pacte de l’amour réciproque n’est pas seulement une réalité très simple. 

Il est aussi une réalité très profonde, car le vivre nous donne d’entrer en communion avec Dieu. 

C’est ce que Chiara Lubich et ses compagnes ont vécu d’une manière surprenante il y a 70 ans. 

Elles ont vécu la promesse de Jésus de venir au milieu de ceux qui se réunissent en son nom. 

A ceux qui l’aiment et s’aiment en son nom, il promet de venir à nous, avec le Père, comme le dit Jésus dans l’Evangile : « Si quelqu’un m’aime il gardera ma Parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure en lui » (Jean 14,23).

Il vient au milieu de nous comme le « Bien aimé » vient dans le jardin de sa « toute belle », comme nous allons le chanter dans un moment avec le beau chant « Viens ma toute belle, viens dans mon jardin ». Un chant inspiré du chapitre deux du Cantique des Cantiques.

Le paradis vient d’ailleurs d’un mot persan signifiant « jardin », comme je l’ai déjà mentionné.

Or que signifie se réunir « en son nom »

Cela veut dire justement vivre le commandement nouveau de l’amour réciproque !

Quand je prononce le nom de Jésus, je prononce en fait le mot « amour ». 

Le nom de Jésus est amour, c’est à dire humilité, bienveillance, amitié, communion, accueil, pardon, vérité, liberté et tant d’autres noms. J’ai essayé de le dire dans la prière ci-dessous.

 

« Le Pacte de l’unité »

 

Jésus, unis en ton nom, nous nous engageons 

à vivre ton commandement nouveau : 

à nous aimer les uns les autres comme tu nous as aimés. 

Nous te demandons qu’à travers notre amour réciproque, 

ta promesse se réalise : 

« Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ».

Que par ta présence parmi nous, le monde croie !

.

Une prière 

Jésus, Emanuel, Dieu avec nous,

par l’Esprit saint tu es présent parmi nous

selon ta promesse : « Là ou deux ou trois

sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ».

Ta présence est lumière qui renouvelle tout :

la famille et toute communauté,

l’Église et la société,

les arts et les sciences,

l’économie et la politique,

et surtout notre cœur

et nos relations les uns avec les autres.

Comment viens-tu parmi nous ?

Tu nous le dis : nous avons à vivre en ton nom.

Mais quel est ton nom ?

Ton nom est humilité, toi le Dieu devenu homme,

ton nom est amitié, toi l’ami de tous,

ton nom est bienveillance, toi qui prends soin de nous,

ton nom est communion, toi qui nous unis autour de ta table,

ton nom est accueil, toi qui ne rejettes personne qui vient à toi,

ton nom est pardon, toi qui as crié : « Père, pardonne-leur »,

ton nom est vérité, toi qui ne dis que les paroles de Dieu,

ton nom est liberté, toi qui es serviteur de tous,

Et tant d’autres noms !

Le monde entier ne suffirait pas à les contenir.

Ton nom est au-dessus de tous les noms.

C’est pourquoi avant toute rencontre,

tout projet et tout travail,

nous voulons te mettre parmi nous,

t’invoquer et vivre en ton nom

pour voyager avec toi vers le Père.

Ainsi tu renouvelleras toutes choses.

Viens ma toute belle

« Dans la nuit j’ai cherché
celui que mon coeur aime.
Dans mon jardin aride
il a fait son domain,
de perles de rosée
il a couvert ma tête.
Mon âme est toute belle,
mon Bien-Aimé m’appelle :

Refrain : Viens, ma toute belle,
viens dans mon jardin.
L’hiver s’en est allé
et les vignes en fleurs
exhalent leurs parfums :
Viens dans mon jardin.

J’entends mon Bien-Aimé,
il guette à la fenêtre.
Les fruits sont au figuier,
mon âme est toute prête.
J’attends son bon plaisir
il me dira d’ouvrir.
Chante la tourterelle,
mon Bien-Aimé m’appelle :

Viens, ma toute belle… (2x) »

 

Chant à écouter ici

[1] « Tu as la fraîcheur d’un verger de paradis planté de grenadiers aux fruits exquis. S’y croisent les parfums du henné et du nard. » Cantique 4:13 ; « Je me suis fait des jardins et des vergers, j’y ai planté toutes sortes d’arbres fruitiers ». Ecclésiaste 2,5 ; « Le jardin du Roi ». Néhémie 2,8

[2] « Je vais maintenant te consoler, ô Sion, j’ai déjà consolé toutes ses solitudes, je changerai ses déserts en jardin, et ceux qui s’étendent au couchant seront comme le paradis du Seigneur » (Es 51,3) ; « La bonté est comme un paradis béni. Jamais l’aide qu’on donne aux pauvres ne sera oubliée.» Siracide 40:17 ; « Tu as été dans les délices du paradis de Dieu ; tu t’es paré de toute pierre précieuse » (Ez 28,3) ; (Le cyprès)… « Nul autre arbre du paradis ne lui ressemble en beauté » (Ez 31,8)

[3] De cette expérience est né un texte mystique appelé le « Paradis de 1949 », lequel est actuellement objet d’une étude interdisciplinaire (moi-même j’y participe sous l’angle de la « théologie œcuménique »).

[4] Il a été pratiqué pour la première fois entre Chiara Lubich et Igino Giordani, un théologien et parlementaire italien, le 16 juillet 1949.

 

Image: promenade dans les Dolomites

En Janvier 2020, nous organisons une marche sur le Chemin d’Emmaüs: https://jc2033.org/fr/eventsfr/emmaus-2020.html


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