Philippe et lethiopien

Quatre mots essentiels : Unité – Mission – Dialogue – Renouveau. Actes 8, 26-40

Unité – Mission – Dialogue – Renouveau : quatre mots essentiels (aussi lourds d’histoire et sans doute de malentendus) que je voudrais approfondir dans cette méditation.

Unité

« Donne-moi à boire ». Cette prière du Christ à la femme samaritaine a été le thème de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens de cette année.

Cette semaine commence le 18 janvier et se termine le 25. Je souligne que, cette année, ces deux jours tombent sur un dimanche.

Dans le calendrier le l’Eglise occidentale, le 25 janvier est le fête de la conversion de l’apôtre Paul. Elle nous dit que l’unité chrétienne s’enracine d’abord dans une rencontre avec le Christ. Plus nous nous convertissons au Christ, plus nous seront proches les uns des autres. Plus les Eglises lui donnent une place, plus elles seront en communion les unes avec les autres. Ce fut la grande vision de l’abbé Paul Couturier, dans les années 30, qui a choisi ces jours pour l’ « Universelle semaine de prière pour les chrétiens ».

Le récit de la conversion des samaritains et du fonctionnaire éthiopien que j’approfondirai durant ce moment précède d’ailleurs le récit de la conversion de Paul.

Mission

Ce dimanche tombe aussi, dans notre Eglise, sur le dimanche missionnaire. C’est une heureuse conjonction. Il y a un lien étroit entre l’unité et la mission. En effet quand Jésus prie « Que tous soient un, Père, comme toi et moi sommes un, qu’ils soient un en nous »…Il ajoute : « Afin que le monde croie ».

L’unité entre chrétiens n’est pas un but en soi, mais afin de permettre au monde de croire que Dieu a envoyé son Fils. « C’est à l’amour que vous aurez les uns envers les autres, que tous connaîtront que vous êtes mes disciples ».

Le deuxième texte de ce jour est missionnaire : la mission de Philipe auprès des samaritains et du fonctionnaire éthiopien.

Jésus avait ouvert la mission auprès des samaritains, par son dialogue avec la samaritaine et son séjour dans son village, qui l’a reconnu comme « Sauveur du monde ».

Philippe la prolonge en annonçant la Bonne Nouvelle et en guérissant beaucoup de malades.

Puis il rencontre le fonctionnaire éthiopien. Comme dans la rencontre de Jésus avec la femme au bord du puits en Samarie, nous découvrons que la mission est d’abord un dialogue.

 

Dialogue

Ces deux textes sont un modèle de dialogue. Ils illustrent de manière parlante que la mission de l’Eglise est d’abord une rencontre avec des personnes, dans un esprit de dialogue, de respect et d’amitié.

Plus que jamais, après les attentats à Paris et les massacres au Nigéria et au Pakistan, le dialogue est nécessaire. La question qui se pose de manière urgente est comment arriver à vivre ensemble entre cultures et religions différentes dans nos pays ? Comment éviter le choc des civilisations dans notre monde globalisé ? Au fond, la réponse est claire : ou bien on dialogue ou bien on s’affronte les uns aux autres. Mais se battre porte à la destruction, alors que le dialogue crée la vie.

Voyons à partir de nos deux textes cinq étapes du dialogue :

a. Ecouter

Philippe est à l’écoute de l’Esprit saint, qui l’envoie sur le chemin entre Jérusalem et Gaza et l’appelle à s’approcher du char du fonctionnaire éthiopien. Jésus écoute le cœur blessé de la Samaritaine.

Ecouter les inspirations de l’Esprit saint, écouter les besoins des autres, écouter son cœur : voilà la base de toute vraie rencontre. Le dialogue, comme la communication commence par l’écoute.

« Donne-moi un cœur qui écoute » : cette prière du roi Salomon est pour moi une des plus belles de toute la Bible.

b. Surmonter les résistances

Jésus a du surmonter plusieurs résistances : la femme appartient à un peuple ennemi, elle est d’une autre religion. Philippe également : l’éthiopien est d’une autre race, d’une autre culture, d’un rang et d’une classe sociale plus élevée. Allait-il oser s’approcher d’un fonctionnaire royal ?

Quelles sont mes résistances, mes peurs qui paralysent ou brouillent la rencontre ? Quelles sont mes inerties ? Pas facile d’être témoin dans une ambiance matérialiste, critique à l’égard de la foi chrétienne. Oserai-je ?

c. Faire le premier pas

Dialoguer, ce n’est pas attendre que l’autre fasse le premier pas, mais c’est le faire. Avec tous, même avec celui dont on pressent que le dialogue sera difficile. S’intéresser à lui, lui poser une question, comme Philippe le fait. Jésus demande aussi de l’eau : il a soif. Cette question déclenche un dialogue.

Philippe, comme Jésus ont confiance que le dialogue ouvre un chemin, dont on ne peut prévoir l’issue, mais qui peut conduire l’autre, et nous avec lui, vers de nouveaux horizons.

Jésus a éveillé la soif de la Samaritaine : le dialogue la conduit à dire : « Donne-moi de cette eau vive », dont Jésus parle. Philippe a aussi éveillé la soif de l’éthiopien : « qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé » ?

Susciter la soif, surprendre, plutôt que de donner à boire à celui qui n’a pas soif. Voici l’art du dialogue !

Ayons confiance aux vertus du dialogue ! Demandons à l’Esprit d’être des éveilleurs de curiosité et de recherche !

d. Accompagner avec amitié

Il est étrange que Philippe disparaisse tout de suite après avoir baptisé l’éthiopien. Ce récit fait penser à celui de Jésus disparaissant devant les yeux des disciples d’Emmaüs. Comme ceux-ci, l’éthiopien s’en retourne le cœur rempli de joie.

Si Philippe a été enlevé, la présence spirituelle de Jésus l’accompagne désormais.

Toutefois quand on considère le ministère de l’apôtre Paul dans une communauté, on voit combien il lui importe d’accompagner les personnes dans l’amitié. On voit la qualité des relations qu’il a réussi à nouer quand le jour de la séparation arrive. A chaque fois, une profonde affectivité s’exprime.

Nous aussi, nous avons besoin d’amitié. Parfois il suffit d’une seule rencontre pour nous ouvrir à l’amitié avec le Christ, comme ce fut le cas de la samaritaine et de l’éthiopien.

C’est l’amitié dans le dialogue qui ouvre les cœurs et nourrit les esprits. Le fondateur du parcours Alpha, Nicky Gumbel, dit avec justesse que « l’amitié multiplie la joie et divise la tristesse ». C’est par l’amitié que l’Eglise se renouvelle. Avant tout programme, il  faut mettre en valeur les relations.

e. Partager ses sources

Si le premier mouvement dans le dialogue est de se mettre à l’écoute de l’autre, de lui partager notre amitié et de se mettre à son service, il peut arriver qu’à un moment ou un autre il pose une question et nous invite à partager nos sources.

C’est ce que fait l’éthiopien en posant une question sur ce mystérieux serviteur souffrant dans le livre du prophète Esaïe.

Le dialogue devient alors témoignage et partage de ce qui nous fait vivre : Jésus, l’agneau de Dieu, le serviteur doux et humble de cœur en qui l’Esprit habite. Celui qui me donne une eau vive et fait jaillir des sources dans mon cœur !

 

Renouveau

Dans la rencontre avec Jésus la femme a été engendrée à une vie nouvelle, comme l’éthiopien dans la rencontre avec Philippe. Les deux sont renouvelés, « nés de nouveau ».

La rencontre elle-même échappe à nos prises, elle relève du mystère de la personne qui choisit ou non de s’ouvrir à l’Esprit. Mais nous pouvons favoriser cette rencontre en nous centrant sur le cœur de la foi.

Aujourd’hui la priorité des priorités dans l’action de l’Eglise, c’est de mettre les personnes en situation où elles peuvent répondre librement à l’invitation du Christ. C’est de mettre en place une action qui conduit à une rencontre personnelle avec le Christ ou, pour le dire autrement, à une nouvelle naissance dans l’Esprit saint.

Tout découle de cette rencontre personnelle avec le Christ. C’est elle qui transforme la vie et conduit chaque personne qui en a fait l’expérience à sonder les Ecritures, à participer au culte, à s’engager dans la vie communautaire, à servir la justice.[1]

C’est ainsi que l’Eglise se renouvelle. Et notre Eglise a besoin de renouveau !

*****

Cherchons donc ce qui unit, cultivons les relations, vivons un art du dialogue avec tous, partageons nos sources. Et l’Esprit saint agira et nous renouvellera personnellement et communautairement !

 

[1] C’est ce que des théologiens catholiques ont appelé « la pastorale d’engendrement » : « Une fois que cette rencontre (avec le Christ) est faite, la vie se trouve transformée. Tout le reste découle de cette expérience: connaissance aimante de l’Ecriture et de la Tradition, rites, sacrements, appartenances communautaires, service des pauvres et de la justice » (Marc Donzé, cité dans F.X. Amherdt, Marie-Agnès de Matteo, S’ouvrir à la fécondité de l’Esprit. Fondements d’une pastorale d’engendrement, St-Maurice, Saint-Augustin, 2009, p 22). « L’essentiel réside dans une posture de l’ordre de l’être plutôt que du faire, et dans une aptitude à susciter des relations significatives…La pastorale d’engendrement présuppose que les paroisses développent des cellules ecclésiales à taille humaine (p. 62)


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