Emmaus. S. Petrone

Le chemin d’Emmaüs : de l’échec au bonheur – Luc 24,13-35

L’échec de la vie quotidienne: sur le chemin d’Emmaüs deux hommes en situation d’échec. Quelle vie après l’échec ? C’est la première question que me pose ce grand texte!

Telle est la question que devront se poser les candidats malheureux aux élections en France aujourd’hui et dans notre canton de Vaud, la semaine prochaine !

Que deviennent tous ceux qui ont vécu un échec en politique ? On ne s’intéresse guère aux perdants.
Telle est la question de tant de personnes qui perdent leur emploi, ou qui ne peuvent plus visiter leurs enfants après un divorce.
L’échec scolaire peut infliger aussi une grande blessure chez l’enfant.
À la suite d’un échec amoureux, il n’est pas rare que l’on entende dire «Je ne puis plus vivre sans toi».
C’est le ressort de tant de chansons.
Et puis il y a tous ces échecs de l’Evangile dans la vie des chrétiens. Les incapacités de vivre ensemble, de pardonner, de regarder l’autre positivement.

Le disciple anonyme, c’est moi

Quels sont donc les sentiments de ces deux hommes qui marchent sur ce chemin ?
Quelle blessure habite leur cœur suite à l’échec de leur maître ?
Quelle humiliation et quelle honte les découragent, voire les désespèrent ?
Il y a Cléophas, mais l’autre n’est pas nommé.
Quand quelqu’un reste anonyme, cela nous permet de nous identifier à lui. Comme dans l’Evangile de Jean, avec le disciple que Jésus aimait.
Je suis donc ce disciple découragé marchant à côté de Cléophas.
Je suis celui qui a entendu l’incroyable nouvelle de Pâques,
le témoignage des femmes, puis des apôtres,
mais qui reste enfermé dans une réalité intouchée par cet événement.
Comme pour bien d’autres problèmes, je tourne en rond. Et ce ne sont pas mes compagnons de route qui vont m’aider.
Comme nous partageons les mêmes doutes, nous nous enfermons dans un circuit fermé.
Il faut que quelqu’un vienne du dehors, d’ailleurs pour nous sortir de cette impasse.

Qui es-tu ?

Et voilà qu’il arrive, ce tiers, qui au début est exclu !
Jésus s’avance et leur demande : « De quoi parliez-vous, chemin faisant ? »
Un homme qui ne sait pas ce qui est arrivé à Jérusalem, ce qui provoque l’irritation des disciples.
Ont-ils affaire un rêveur, à un homme inattentif aux événements, qui n’est pas en prise avec la réalité ?
Pourtant, c’est bien cette simple question qui va les mettre en route.

Jésus, maître dans l’art de poser les questions.

Intéressant. Les premières paroles de Jésus après sa résurrection sont sous la forme d’une question : « De quoi parliez-vous ? »
Ceci renvoie à cette autre question au cœur de l’Evangile : « Et vous, qui dites-vous que je suis » ?
Jésus est maître dans l’art de poser les questions.
Dès l’enfance, il a eu l’habitude de les formuler.
Comme chaque enfant juif, il posait des questions à ses parents, durant la nuit de Pâque.
Et dans le temple, jeune homme, il interrogeait les maîtres.
Le propre de l’homme, c’est aussi de poser des questions.
S’il n’y a pas de questions, on tourne en rond.
Pour avancer, il faut poser des questions.
Parfois, il faut remettre en question des décisions, qui peuvent nous enfermer et ne pas correspondre à la liberté que Dieu veut pour nous.
Une question surgit pour nous déranger dans nos quiétudes.
Il faut s’habituer à poser des questions pour refuser les savoirs absolus, qui ne voient qu’un bout de la réalité.

Dieu s’intéresse à nous

Jésus rejoint les disciples.
Et à travers eux, c’est à chacun de nous qu’il s’intéresse.
Il accepte de nous chercher dans notre va-et-vient quotidien.
Pouvons-nous comprendre sa venue sans aucune marque de sa gloire ?
Nous sommes tous en chemin. Nous avons entendu parler de Jésus et nous avons le désir de le connaître.
Mais avons-nous pu nous imaginer que Jésus s’intéressait d’aussi près à nous ?
Qu’il allait nous rejoindre, faire chemin avec nous, nous parler et nous toucher profondément ?
Quelqu’un m’a dit : « j’ai compris que Dieu s’intéressait à moi, le jour où on s’est intéressé à moi. »
Quand nous nous intéressons à ce que vivent les autres, à leurs questions. Lorsque nous nous approchons des autres pour les accueillir, les écouter, les accompagner, Dieu s’approche aussi de nous.

Il n’y a qu’une seule tristesse

Mais quelle est la réaction des deux disciples ?
Ils ont le visage sombre de la tristesse.
Une tristesse qui révèle leur manque de foi et d’espérance.
Car qu’ont-ils reçu du message des femmes venues leur annoncer le message du tombeau vide ?
Qu’ont-ils accueilli dans l’apparition des anges qui disaient que Jésus est vivant ?
Les deux hommes ont entendu l’Evangile de la Résurrection, mais ils sont restés dans leur tristesse.
Ils font chemin avec Jésus, mais ils ne le reconnaissent pas.
En ces deux hommes, avance l’immense foule de la triste humanité sans foi ni espérance.
Il n’y a qu’une seule tristesse, celle de ne pas croire, ni espérer.

Dieu nous veut heureux

Mais Dieu ne désire pas que nous restions dans ce sentiment de tristesse.
Il nous veut pleins de joie. C’est avec ce sentiment d’un intense bonheur que se termine l’Evangile de Luc (24,52)
La présence du Ressuscité parmi nous transforme les cœurs et les vies des deux disciples.
Et les nôtres, quand nous nous mettons à leur école.
Car ce qu’ils vivent devient une école de disciples pour toutes les générations.
Dieu nous veut heureux et il nous invite à travers les deux hommes d’Emmaüs à trois actions.
Que font les deux disciples ?

– Ils ouvrent les Ecritures
Tel est le premier geste du disciple.
S’imbiber de l’Evangile, s’immerger dans les profondeurs de la Parole, à travers laquelle le Verbe désire me visiter.
Un geste qui est à répéter sans cesse, car ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ.

– Ils prennent le repas du Seigneur
Les mots de ce repas montrent bien qu’il s’agit de la sainte Cène.
La Cène nous centre à chaque fois sur le cœur de notre foi :
Jésus Christ mort pour nous et ressuscité pour nous communiquer sa vie.
Elle nous permet de comprendre l’Ecriture dans cette perspective pascale,
qui est celle que Jésus a voulue.
Une célébration fréquente de la cène ouvre nos yeux sur le Christ, sans cesse menacés de cataracte spirituelle.

Ils pratiquent l’hospitalité
« Reste avec nous ! », disent les deux disciples.
Il ne s’agit pas seulement d’écouter et de célébrer l’Evangile, mais aussi de le vivre.
Et on le vit en accueillant les autres, en les considérant comme des frères et des sœurs.
Plus encore, en discernant en eux la promesse de la présence du Christ.
L’hospitalité est source de bénédiction.
Un chrétien des premiers siècles disait :
Recevons le Christ à notre table, afin de pouvoir être reçus à son festin éternel. Donnons maintenant l’hospitalité au Christ présent dans l’étranger, afin qu’au jugement nous ne soyons pas comme des étrangers qu’il ne connaît pas, mais nous reçoive comme des frères dans son Royaume. (Grégoire le Grand)

Concluons. Dieu nous veut heureux. C’est le sens de tout l’Evangile.
Il ne désire pas que nous nous enfermions dans nos échecs et nos tristesses.
Même s’il est inévitable que nous en fassions l’expérience.
Il nous donne trois secrets pour nous rapprocher de Lui.
– Prendre du temps avec lui en méditant les Ecritures
– L’adorer ensemble en célébrant souvent la Sainte Cène
– L’accueillir en personne en pratiquant l’hospitalité

Que l’Esprit saint nous inspire pour avancer résolument sur ce chemin d’Emmaüs, chemin étroit qui mène de l’échec au bonheur.

Tableau de Stig Petrone: Emmaüs

Deux prières que ce récit m’a inspiré

I. Leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître  
Dieu des surprises et des imprévus,
tu me visites quand je ne m’y attends pas.
Et souvent mes yeux ne te reconnaissent pas.
Je passe mon chemin devant les blessés de la vie
comme les personnages de la parabole.
Je ne regarde pas le pauvre en qui tu mendies du pain.
Je ne m’agenouille pas avec les enfants pour jouer avec eux.
Je peux faire tout un voyage sans adresser la parole
à la personne à mes côtés en qui tu m’attends.

Comment puis-je alors te rencontrer autour de ta table
alors que je ne suis pas capable de t’accueillir dans mon prochain ?
Comment mes yeux peuvent-ils s’ouvrir ?
Viens toi-même frapper à la porte de mon cœur !

 

II. Tu es ressuscité,
mais comme nos cœurs sont lents à croire !
Tu as accompli les prophéties
mais leur sens nous reste obscur.
Au tombeau tu as envoyé des anges aux femmes,
mais, avec les apôtres, nous rejetons leur témoignage.
Tu as marché avec tes disciples sur le chemin d’Emmaüs,
mais, comme eux, nos yeux sont incapables de te reconnaître.
Avec Thomas, nous entendons la grande nouvelle,
mais nous demandons des preuves.

Seigneur, que nous faut-il pour que nos cœurs s’ouvrent ?
Les prophéties ne suffisent pas.
Les témoignages ne suffisent pas.
Les arguments ne suffisent pas.
Les preuves ne suffisent pas.
Il faut que tu viennes toi-même
parler à notre cœur et le rendre brûlant.
Il faut que ton Esprit atteste à notre esprit
que tu es vraiment ressuscité.
Il faut que tu accomplisses ta promesse
de nous donner un cœur et un esprit nouveaux.

Alors nous crions à toi :
Maranatha ! Viens Seigneur Jésus !
Viens à travers les Ecritures qui témoignent de toi !
Viens à travers notre fraternité qui contient ta présence !
Viens à travers nos louanges que tu habites !
Viens à travers le pain et le vin qui te manifestent !
Viens à travers les pauvres en qui tu nous attends !


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