Que tous soient un ! A Jérusalem, le jour de l’Ascension

Il y a quatre jours, à la fête de l’Ascension, j’étais à Jérusalem. Je logeais à l’hospice de Christ Church, près de la porte de Jaffa. Vers 7 heures du matin, j’entends des cloches et me dirige vers le lieu d’où vient leur tintement, désireux de participer à une célébration de ce grand jour du calendrier chrétien.

Mes pas m’amènent d’abord à la cathédrale catholique latine, dans le quartier chrétien. J’entre dans l’église mais elle est vide. Je m’assieds pour prier. Au bout d’un moment j’entends une voix en arabe. Un évêque passe devant moi en priant et disparaît.
Je ressors de la cathédrale et entends à nouveau les cloches. Je me dirige vers elles, mais elles arrêtent de sonner. J’entends alors des prières. J’entre dans une cour et me dirige vers une église. Devant elle des souliers et des sandales. J’enlève les miennes et me trouve au milieu de tout un peuple. Ce sont des orthodoxes égyptiens . Ils prient en copte, la langue des anciens égyptiens, puis en arabe. Devant et dans le chœur une vingtaine d’évêques, prêtres et diacres entrainent le chant liturgique. Dans l’assemblee les hommes sont devant, les femmes derrière.
Au moment où l’évêque commence son sermon je sors de l’église et rejoint l’hospice de Christ Church. C’est une église anglicane, la plus vieille église protestante du Proche Orient, où une communauté de juifs messianiques se réunit également chaque shabbat.

L’Ascension et la mémoire du génocide

Ce jour-là, c’est aussi en Israël « Yom HaShoa », le jour de l’holocauste commémorant le génocide des juifs par les nazis durant la 2e guerre mondiale. On m’avertit qu’à 10 heures, il y a aura en tout Israël un temps de recueillement d’une minute marqué par une sirène. Au moment où elle retentit toutes les personnes autour de moi se lèvent dans la cour et se recueillent jusqu’à la fin des sirènes.
Ce moment vécu dans cet endroit, un des plus paisibles de Jérusalem et où j’aime revenir à chaque voyage, a marqué cette journée. J’ai essayé de trouver un lien entre la fête de l’Ascension et ce «Jour de l’holocauste ».
De plus, en ce dimanche avant Pentecôte, les textes qui nous sont proposés parlent de la deuxième venue de Jésus et de l’unité pour laquelle Jésus a prié.
La mémoire de l’holocauste m’a donc habité durant toute cette journée, mais aussi la mémoire des autres génocides du 20e siècle, en particulier celui des arméniens qu’on a commémoré l’annee derniere. A côté de Christ Church se trouve d’ailleurs la cathédrale arménienne Saint Jacques.
Je me rappelle aussi qu’à moins de cent kilomètres de Jérusalem, l’Etat islamique ou Daesch est en train d’éliminer tous ceux qui résistent à son idéologie.
Mais quel peut bien être le lien avec la fête de l’Ascension ?
Pourquoi Jésus nous a-t-il quittés après avoir réalisé la rédemption et permet-il tant de souffrances ?
A l’Ascension il entre dans le paradis et ses disciples sont dans la joie, mais pourquoi tous ces enfers sur terre avec tant de peurs et de tristesses ?
Aux apôtres deux hommes en blanc ont dit le jour de l’Ascension : « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? Ce Jésus, qui vous a été enlevé pour aller au ciel, reviendra de la même manière que vous l’avez vu y partir ». (Actes 1,11).

Signes de la venue du Messie
Oui, Jésus reviendra un jour. Sa venue ne se passera pas dans la discrétion de son départ comme au jour de l’Ascension, mais tous le verront et l’entendront, de manière encore plus publique que les sirènes de Yom HaShoa !
« Je viens bientôt », affirme-t-il dans le texte de l’Apocalypse de ce dimanche (21,12,20). Nul ne sait le jour ni l’heure de sa venue, mais il nous enseigne si souvent l’a vigilance.
Les cataclysmes, les génocides, les persécutions, les guerres et tant d’autres souffrances sont des signes qui nous appellent à la prière et nous rappellent que le Messie va revenir.
Cette espérance animait les premiers chrétiens, elle doit aussi nous réveiller aujourd’hui de la torpeur spirituelle.
A mon retour de Jérusalem, je me demande aussi si le retour du peuple juif sur la terre de ses ancêtres est un de ces signes, de même que la fin du « temps des nations » pour Jérusalem ? (Luc 21,24).

Comment vivre dans ce temps entre l’Ascension et le retour du Messie ?
J’aimerais vous proposer trois démarches spirituelles essentielles :

1. Renouveler notre confiance dans l’Ascension
A l’Ascension notre Seigneur a inauguré pour nous « une voie nouvelle et vivante » ; comme le dit la lettre aux Hébreux, « il n’est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, mais dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu » (He 10,20; 9,24).
Confesser l’Ascension de Jésus c’est avoir confiance qu’il prie pour nous sans cesse, surtout dans les moments de peine et d’épreuve. Tous les signes dont nous avons parlé, il les a lui-même assumés dans sa personne. Il est donc proche de nous et peut nous rejoindre jusqu’au plus intime de nous-mêmes

2. Prier avec ardeur
« Tous ensemble ils se réunissaient régulièrement pour prier, avec les femmes, avec Marie, la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus » (Actes 1,14)
Entre l’Ascension et Pentecôte, les chrétiens ont depuis toujours consacré ce temps pour prier pour l’effusion de l’Esprit saint. Ils suivent l’exemple des apôtres qui se réunissaient chaque jour avec Marie et d’autres femmes dans la chambre haute.
Combien nous avons besoin aussi de vivre des « Neuvaines » de prière ! Cette année je pense à deux propositions : d’abord celle de l’archevêque de Cantorbéry qui a invité toutes les Eglises de son pays à prier l’Esprit saint durant ce temps. Puis à une neuvaine pour préparer la rencontre « Ensemble pour l’Europe », qui aura lieu à Munich fin juin de cette année.
Que l’année de la Réformation qui commencera le 31 octobre de cette année soit aussi une année d’une nouvelle effusion de l’Esprit saint ! 500 ans de séparation, cela suffit ! Prions dès maintenant l’Esprit saint pour qu’il renouvelle son Eglise !

3. Chercher l’unité
Je conclus cette méditation avec le texte de l’Evangile de ce dimanche. C’est la prière de Jesus pour l’unité. On l’a appelée le « testament » de Jesus, ce qui lui tient le plus à cœur.
« Je ne prie pas seulement pour eux, je prie aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi : que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient un en nous eux aussi, afin que le monde croie » (Jean 17,20).
Que tous soient un ! Avez-vous réalisé que la destinée de chacun est l’unité ? Mais que veut dire ce petit mot ? Je pourrais parler des heures sur ses différents sens, sur les risques qu’il comporte car c’est aussi un mot dangereux. Au nom de l’unité on a en effet commis des atrocités.
Je voudrais brièvement évoquer trois dimensions de l’unité.
Unité veut d’abord dire relations, à l’image des relations qui unissent Jésus au Père. Nous ne pouvons donc plus nous côtoyer sans nous rencontrer, ni vivre dans l’indifférence les uns à l’égard des autres.
Unité ne signifie pas uniformité. Unité ne veut pas dire gommer la diversité entre les coptes, les arméniens, les orthodoxes, les catholiques, les anglicans, les protestants, les messianiques de Jérusalem et de partout. Mais les reconnaître comme des beautés et des dons de l’Esprit saint, les aimer et nous laisser interpeller afin de mieux nous convertir au Christ présent dans chaque Eglise.
Unité signifie enfin reprendre conscience de notre baptême commun. Par notre baptême, le Christ nous a unis à Lui, nous lui appartenons et rien ne pourra nous séparer de Lui. Mais il nous a unis aussi les uns aux autres, nous nous appartenons réciproquement. Nous ne devons permettre à personne de nous séparer les uns des autres. Notre vocation est de travailler, là où nous sommes, à recoudre la tunique déchirée du Christ.
Qu’il nous donne de renouveler notre confiance en lui ! Il est tourné vers le Père et prie pour nous et avec nous constamment, afin de nous unir en Lui dans l’amour !

Martin Hoegger
Communauté de Grandchamp


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