Malheur et bonheur, Lamentations 3

Nous te rendons grâce, Seigneur Dieu

De nous avoir appelés à ta présence

À l’aube de ce nouveau jour

Tes bontés se renouvellent chaque matin

Et nous poussent à nous tourner vers toi

A t’attendre en silence dans l’épreuve

Tu nous donnes ainsi de comprendre

Que tu nous as aimés en premier.

Tu fais lever ton soleil sur tous.

Sur les bons comme sur les méchants

Chaque jour tu nous appelles continuellement à toi

Accordes-nous de rester émerveillés

Et de discerner que tu nous précèdes en tout

Par Jésus Christ ton Fils, notre Seigneur.

Les attentats de Paris et de Bruxelles nous ont tous frappés.

Voici ce qu’un ami m’a écrit le soir même de ceux de Bruxelles. Je suis en train de préparer avec lui une journée de rencontre entre chrétiens et musulmans à la maison de l’Arzillier : « Un de mes frères était avec sa femme et sa fille ce matin à l’aéroport de Bruxelles et la première bombe a explosé à 20 mètres d’eux, la seconde à 80 mètres.

Ils auraient évidemment pu mourir. Je viens de l’avoir au téléphone et il était encore sous le choc, mais plus que jamais décidé à vivre pour Dieu, la paix et la fraternité. Serrons nous les coudes et unissons nos cœurs pour faire face au mal ».

Quand on voit les photos de désolation et qu’on entend la douleur des familles, certains passages du livre des Lamentations qui parlent de la ruine de Jérusalem prennent un relief saisissant :

« Mes yeux sont consumés de larmes : mon ventre en est tout remué ;

Je suis vidé de ma force, elle est par terre, car mon peuple, cette belle, est brisé.

Quand défaillent bambin et nourrisson sur les places de la cité ». (Lam. 2,11

 

Le Malheur dans le livre des Lamentations

Depuis hier jusqu’à Pâques, nous vivons une retraite sur le thème « Au cœur de l’épreuve, découvrir un Amour » ?

Avec un point d’interrogation, qui indique que c’est une question sérieuse. Est-il encore possible de croire dans ces terribles souffrances causées par le terrorisme à un amour, qui plus est avec un grand A ?

Ce thème nous a été inspiré par la parole de l’année choisie comme mot d’ordre dans la communauté de Saint Loup. Elle est tirée du livre des Lamentations :  « Les bontés du Seigneur ne sont pas épuisées, il n’est pas au bout de son amour. Sa bonté se renouvelle chaque matin. Que ta fidélité est grande, Seigneur ! »  (Lam. 3,22s)

Le livre des Lamentations, ce sont cinq poèmes disant la souffrance et le malheur de Jérusalem détruite. Dans ces poèmes, d’une grande intensité, Jérusalem est décrite comme effondrée dans les larmes, blessée dans ses êtres les plus chers, profanée dans ses réalités les plus saintes. Dans son affliction et grâce à elle, la ville sainte prend conscience de son péché. Elle le confesse.

Dans la Bible en hébreu le nom de ce livre est « Comment ? » (ékah), d’après le premier mot des deux premiers et du quatrième poème. Comment est-ce possible ? Un comment qui fait écho au pourquoi du Psaume 22, que Jésus a prié sur la croix.

Dans ce comment et ce pourquoi, il y a la souffrance de Dieu lui-même.

Comment est-ce possible ? Pourquoi ? Ce sont aussi les questions qui surgissent en nous devant tant de violences. Ce sont des questions que nous posent les catastrophes, les choses imprévues, les maladies. Dans nos vies personelles et communautaires.

 

Sa bonté se renouvelle chaque matin

Mais voilà qu’au cœur du troisième poème des Lamentations surgit une île de grâce et de bonté, comme au milieu d’un océan d’horreurs. Une prière qui, comme toute prière, est non pas une révolte, mais une protestation contre la résignation. Une protestation vécue devant Dieu, qui s’est révélé comme Amour et dont l’auteur rappelle la révélation, qui s’origine dans celle du Sinaï : « Le Seigneur, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté… » (Ex. 34,6).

Dans le malheur inouï qui l’accable, l’auteur du livre des Lamentations proteste de l’amour de Dieu. Etymologiquement protester signifie « Témoigner devant ». Il témoigne devant l’humanité qui est Dieu en vérité : « Les bontés du Seigneur ne sont pas épuisées, il n’est pas au bout de son amour. Sa bonté se renouvelle chaque matin. Que ta fidélité est grande, Seigneur ! » (Lam. 3,22s)

Un des textes les plus beaux et forts de la Bible sur l’amour de Dieu présent dans toutes les circonstances de notre vie, particulièrement celles qui sont douloureuses et incompréhensibles. Un amour si grand et fort qui prend d’autant plus de relief que la douleur est si grande.

La réponse du Livre des Lamentations est limpide : Quel que soit le malheur qui nous frappe ou l’étendue de la calamité naturelle qui nous touche, nous-mêmes ou nos frères et sœurs, il affirme et répète en ces quelques versets du chapitre trois : Dieu est fidèle, tendresse, bonté, salut, espérance, renouveau. 

Avec lui, nous sommes appelés à dire cela à chaque personne que nous rencontrons et qui est prise dans les filets du doute. Il s’agit de faire un acte de foi et d’espérance : Dieu existe et il ne nous est pas permis de le taire.

 En tant que chrétiens, nous connaissons une réponse encore plus profonde et convaincante : s’il était un innocent que Dieu aimait plus que tout, c’était son Fils, Jésus. Or le voilà sur la croix souffrant d’une manière épouvantable. Il crie même que son Père l’a abandonné : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné » ?

Où était donc l’amour de ce Père, dont il n’avait jamais douté ? Comment arriver à le découvrir ?

En réalité, Dieu avait permis ce qui arrivait à Jésus. Il avait même sur lui un plan d’amour qui allait au-delà de sa vie terrestre. Si Jésus devait souffrir de cette manière, c’était pour sauver l’humanité. Puis au matin de Pâques, Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. « Ses tendresses son neuves tous les matins », mais en ce matin des matins, il a introduit une nouveauté absolue : il a glorifié l’humanité de Jésus en le ressuscitant et a ouvert le ciel à tous ceux qui vont le suivre. 

« Voilà le sens de la souffrance, écrit Chiara Lubich. Un plan d’amour existe également pour chaque homme, pour chacun de nous. Il faut le dire à ceux ou celles qui souffrent : « Tu ne le vois pas, tu ne le sais pas, nous ne le savons pas, mais il faut y croire ». Dieu ne permet pas la souffrance sans raison ».


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