Qu’est-ce qui attire les chrétiens des autres Eglises dans ce mouvement né dans l’Eglise catholique durant la deuxième guerre mondiale ? La primauté de la Parole de Dieu.  C’est la prise au sérieux de la Parole de Dieu qui a attiré Pavi Back, responsable du Centro Uno avec le bâlois Séverin Schmid : « Depuis toute petite je me demandais pourquoi les catholiques n’avaient pas la Bible, alors que mes amis anglicans la lisaient. J’ai commencé à prier pour que Dieu me fasse trouver des personnes qui pourraient me l’enseigner. J’ai alors rencontré le mouvement des Focolari ».

Michel Gharzouzy, un orthodoxe du Liban, partage la même expérience : « Ce qui m’a frappé le plus est l’Evangile vécu de manière radicale. C’est ce que mon Eglise me demande, c’est pourquoi je me suis relié aux Focolari ».

Au début, Chiara Lubich n’avait pas envisagé d’ouvrir son mouvement aux autres confessions. Ce fut une grande surprise de découvrir, durant une rencontre avec des luthériens que les effets de la Parole vécue sont les mêmes pour tous. Elle a alors compris son importance dans l’œcuménisme. Tout part de la Parole, et c’est dans ce style de vie qu’a été vécue cette semaine, en mettant au centre la « Parole de Vie »,  que les Focolari diffusent chaque mois dans une centaine de langues.

 

L’urgence du dialogue

Un millier de personnes a participé à la rencontre du 12 mars dans le Teatro Sociale pour rendre hommage à l’engagement œcuménique de Chiara (comme on l’appelle familièrement).  « Tout est parti de Trente », rappelle son syndic Allessandro Andreatta. « L’œcuménisme possible est d’autant plus nécessaire, car il nous faut lutter contre la fragmentation, dans un monde de plus en plus interconnecté. Et dans cette tâche, les Focolari sont  à l’avant-garde du dialogue ».

Même son de cloche sur l’urgence du dialogue chez l’archevêque de Trente Luigi Bressan, qui souligne combien son prédécesseur, Mgr de Ferrari, fut inspiré à reconnaître la vocation à l’unité de ce mouvement. Le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, fait part de sa préoccupation : « Il est douloureux de constater qu’aujourd’hui tant de chrétiens ne souffrent plus de la situation anormale de la division entre chrétiens. Chiara a expérimenté cette souffrance plusieurs fois dans sa vie et le Seigneur l’a utilisée pour offrir à l’humanité le charisme de l’unité ».

Le Métropolite Gennadios (Patriarcat œcuménique en Italie) a apporté le message du patriarche  Bartholomée, lequel a  invité à « continuer, dans le souvenir de Chiara et de son précieux héritage spirituel, à suivre le chemin pour recomposer l’unité de nos Eglises, appelées à rendre un témoignage commun au Christ ». Finalement, le pasteur Carlos Ham a lu le message du pasteur Olav Tveit, secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises : « Nous nous souvenons de Chiara comme d’un don de la grâce de Dieu pour nous inciter tous à l’unité… Elle a engagé mes collègues du COE à vivre un vrai dialogue de la vie en Christ ».

 

Une spiritualité de communion

Une partie de la journée fut consacrée à la présentation de la « spiritualité de communion ». Alors que dans l’Eglise, on a souvent vu la recherche de perfection, comme une conquête individuelle, la nouveauté de la spiritualité de Chiara Lubich est de chercher l’unité avec Dieu en restant dans le monde. En vivant la spiritualité collective, on va vers Dieu avec nos frères et sœurs. Et cela a de profondes conséquences pour le dialogue œcuménique.  Callan Slipper, un théologien anglican, pense que cette spiritualité qui insiste tant sur la présence du Christ parmi son peuple ouvre de nouvelles possibilités à l’œcuménisme. «  Avoir Jésus réellement présent parmi nous a de grandes conséquences sur l’œcuménisme. Il donne une lumière sur ce qu’est vraiment l’Eglise. Or l’Eglise dans son sens le plus profond, c’est justement d’avoir la présence du Christ parmi nous. »

Sherin Helmy, une orthodoxe copte d’Egypte, témoigne : « Chiara Lubich m’a appris que chacun peut contribuer à l’unité. Cette spiritualité donne un avant goût de l’unité. Une communion est déjà donnée ». En tant que responsable de l’œcuménisme dans l’Eglise réformée du Canton de Zurich, le pasteur  Peter Dettwiller est conscient des difficultés dans ce domaine. « Mais la spiritualité de l’unité me donne une grande espérance. Une unité existe déjà lorsque nous nous rassemblons au nom du Christ. C’est cette lumière qui est donnée à ceux qui s’aiment en son nom, dont parle Saint Jean ». Chiara lui a appris à aimer le chrétien d’une autre Eglise comme sa propre Eglise, ce qui donne aussi une lumière pour le dialogue théologique. « Je suis convaincu que cette spiritualité est un grand don pour toutes les Eglises, aussi pour l’Eglise réformée », conclut-il.

 

Une spiritualité pour tous

Aussi pour les évêques et responsables de différentes Eglises !  Chaque année, depuis bientôt 20 ans, ils passent une semaine ensemble pour la vivre et l’approfondir, comme l’explique Miloslav Vlk, l’archevêque de Prague,  et l’évêque anglican Robin Smith. Elle n’est d’ailleurs pas l’apanage des Focolari, chaque mouvement est aujourd’hui appelé à la communion. C’est ainsi qu’un œcuménisme entre les divers mouvements  se vit depuis une dizaine d’années – sous l’enseigne d’Ensemble pour l’Europe.  « Pour chaque mouvement, le défi est de passer de la phase de la juste affirmation de son charisme à la communion entre les charismes », disait Chiara Lubich.  Gerhard Pross, responsable des Unions chrétiennes des jeunes gens en Allemagne, avait invité Chiara à une rencontre de 150 mouvements protestants. « Je me suis  rendu compte que nous partagions le même charisme de l’unité. J’ai fait une expérience profonde de l’Esprit. Dès lors l’unité est devenue ma priorité ».

En conclusion à cette riche journée, la présidente du mouvement, Maria Voce remarque combien les expériences partagées entre  membres de tant d’Eglises différentes témoignent de l’universalité de ce charisme : « Nous repartons avec beaucoup d’espérance et de joie…pour voir des miracles ».

 

Le dialogue œcuménique théologique

« Vivre ensemble et ne pas trop parler, voilà ce qui est important », disait le patriarche Athénagoras à propos des théologiens. De retour au centre de Cadine, une journée est consacrée à la contribution   de cette spiritualité à la théologie œcuménique. Brendan Leahy, un théologien catholique irlandais, a été attiré par les Focolari en découvrant l’unité construite par l’amour réciproque. Dans son pays où les chrétiens étaient divisés, cela a été déterminant. Le pasteur réformé suisse Peter Dettwiler apporte une belle méditation sur Jésus crucifié et abandonné,  la clé de l’unité.  « Pour qu’il y ait Jésus parmi nous et pouvoir accueillir et discerner les différentes idées, il faut passer par Jésus abandonné : être rien, être vide, perdre, en quelque sorte, sa propre église … pour être capable d’accueillir profondément l’autre en soi et comprendre sa position du dedans », affirme aussi Lesley Ellison, une théologienne anglicane.

 

Le dialogue oecuménique de la vie.

Une autre contribution du Mouvement des Focolari est le dialogue de la vie – ou dialogue du peuple –  suscité par la présence du Christ parmi nous. Agnes van Zeeland, une catholique hollandaise résume  l’expérience du mouvement : « La présence de Jésus parmi nous permet de créer des cellules vivantes du corps mystique. Nous sommes déjà un seul cœur, un levain dans le mouvement œcuménique. Le lien qui nous unit peut être plus fort que ce qui nous relie entre membres de la même Eglise. C’est une grande richesse que nous ne pouvons pas garder pour nous ».

Un tour de Trente sur les traces des premiers Focolari, le 14 mars, jour de l’entrée de Chiara dans la « Nuée des témoins », a permis de vivre concrètement ce dialogue entre membres des diverses Eglises. Nous avons vécu une amitié en Christ, nous reconnaissant frères et soeurs en lui, qui nous unit en profondeur. De même les temps de prière, d’approfondissements bibliques et spirituels et de partage ont contribué à former un climat spirituel caractérisé par la joie. Ces paroles d’une participante orthodoxe de Russie me semblent bien l’illustrer : « J’ai éprouvé une grande joie à rencontrer le peuple de Dieu dans toute sa diversité. Ce qui nous relie est Dieu, qui est au premier plan de notre vie. Allons de l’avant et je suis sûre que Dieu nous fera faire un chemin important ».

Martin Hoegger

Centre de Rencontre et de Formation du Mouvement des Focolari, Montet/Broye,

Site du mouvement des Focolari en Suisse

Site international des Focolari.

« Notre époque exige de chacun de nous l’amour, l’unité, la communion, la solidarité. Elle exige aussi des Églises qu’elles recousent l’unité déchirée depuis des siècles. C’est le premier jalon, c’est un jalon incontournable pour susciter la fraternité universelle. Le monde croira si nous sommes unis. Jésus l’a dit : « Que tous soient un… afin que le monde croie… » (Chiara Lubich, Cathédrale Saint Pierre, Genève 27 octobre 2002)