« Nous avons vu son étoile et nous sommes venus l’adorer »

Cette année, le thème de la Semaine de prière pour l’unité a été choisi par des chrétiens de diverses Églises venant du Moyen Orient (Liban, Syrie, Égypte). C’est l’occasion de prier pour ces frères et sœurs qui vivent dans un contexte plein de défis et de souffrances. De nous laisser aussi inspirer par leur foi qui plonge dans celle des apôtres.

De manière assez surprenante, ils ont choisi le récit des mages avec cette parole qu’ils ont dit au roi Hérode. J’en développerai quatre parties : la vision, l’étoile, la marche et l’adoration. (cf Matthieu 2,1-12)

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La vision

« Nous avons vu »

Quand les mages ont-ils vu cette étoile ? Il y a quelques jours, quelques semaines, ou quelques mois ?  

Peut-être les mages se sont-ils mis en route il y a fort longtemps. Rien ne pourra les arrêter car ils ont reçu une vision qui les a touchés.

Quand le Seigneur nous visite, il nous fait goûter à son amour, et cela reste dans nos cœurs, comme si cela c’était passé hier.

Avez-vous, dans votre cheminement de foi, un moment de lumière qui vous habite et ne vous quitte plus ? Une expérience qui est à jamais présente à votre esprit ?

L’apôtre Paul parle d’une telle expérience quand il écrit qu’il est entré dans le paradis où il entendu des paroles inexprimables. En est-il jamais ressorti ? Je pense que ce qu’il a vu et entendu est resté à jamais dans son esprit.

J’ai rencontré des chrétiens et des chrétiennes qui ont eu une vision du Christ et qui, après cela, ont été habités par celle-ci. Leurs paroles, leur comportement, leur confiance ont été déterminés par cette expérience. Même s’ils doivent traverser des vallées obscures, au fond d’eux-mêmes il y a cette assurance que le Christ est avec eux et que rien ne pourra les séparer de son amour.

Avez-vous une fois rencontré ce genre de chrétiens ?

Je suis sûr que oui !

D’ailleurs si vous ouvrez les yeux sur votre voisin et sur cette assemblée, vous en rencontrerez des dizaines, autant que cette assemblée compte de personnes !

Car l’étoile nous a visités un jour, nous aussi. Et si nous doutons que le Christ habite en nous, faisons mémoire de notre baptême, où Dieu nous a dit, comme il a dit à Jésus au moment de son baptême : « tu es mon enfant bien-aimé. En toi, j’ai mis tout mon amour » !

Oui, rappelons-nous que nous avons été baptisés, que nous avons reçu l’Esprit saint. Même si nous l’avons été quand nous étions tout petits et que nous ne souvenons de rien, demandons chaque jour à l’Esprit saint de nous baptiser de son feu d’amour ! Car le vrai baptême est celui de l’Esprit. Chaque Sainte Cène nous le redit quand nous invoquons l’Esprit saint.

Comme le dit Paul, dans une des lectures, vivre son baptême signifie vivre dans la lumière et rejeter les ténèbres. Le baptême nous engage à « discerner ce qui plait au Seigneur », à nous réveiller, nous relever, résister, à être courageux et vigilants (Éphésiens 5,8-14)

 

L’étoile

« Nous avons vu son étoile ». Quelle est-elle, cette étoile ? Comment la comprendre ?

Les Églises du Moyen Orient écrivent :

« Les mages nous révèlent l’unité de tous les peuples voulue par Dieu…les chrétiens sont appelés à être un signe de l’unité désirée par Dieu pour le monde…la mission des chrétiens est d’être un signe, comme l’étoile, pour guider l’humanité assoiffée de Dieu et la conduire au Christ ; elle est d’être les instruments de Dieu pour réaliser l’unité de tous les peuples. »1

L’étoile, c’est d’abord Jésus, Dieu parmi nous comme l’annonce le prophète Esaïe (chap. 9,5-6).  Il est le « soleil levant qui brillera sur nous d’en haut » (Luc 1,78)

Notre vocation est ensuite d’être, par le Christ qui nous habite, une étoile pour éclairer la nuit de notre monde. Mais nos divisions obscurcissent la clarté de cette étoile!

L’Église pourrait être l’étoile. Elle offre l’éclairage nécessaire à toute personne cherchant à rencontrer le Christ. Les chrétiens sont appelés à être les porteurs de la joie et la lumière, reflet de la lumière du Christ.

Mais nous ne sommes pas des étoiles par nous-mêmes : nous ne pouvons que refléter la lumière du Christ. Nous sommes plutôt comme la lune qui reflète la lumière du soleil

« En choisissant ce texte les chrétiens d’Orient ont voulu dire qu’ils ne sont pas des sinistrés attendant de recevoir encouragements et soutien, mais plutôt des fils de la lumière qui ont beaucoup à offrir, ne serait-ce que leur témoignage courageux au milieu de tant de ténèbres et d’adversités ».[2]

La marche

« Nous avons vu son étoile et nous sommes venus »

Comme les mages qui représentent la pluralité des nations, les chrétiens de tous horizons sont appelés à marcher ensemble vers la vérité, sous l’orientation de l’Esprit, d’aller vers l’adoration du Fils de Dieu.

Marcher ensemble a une grande signification œcuménique. Il y a deux ans, à cette époque j’étais à Jérusalem pour marcher sur le chemin d’Emmaüs avec des chrétiennes et chrétiens de plusieurs Églises. Cela a été un moment magnifique de rencontre.

Nous devons toujours nous rappeler que nous sommes des personnes en marche, avec Jésus au milieu de nous, qui nous éclaire et nous entraîne vers le Père. C’est le sens du mot « Synode », qui signifie marcher ensemble sur un même chemin en discernant la volonté de Dieu.

Donnons-lui la plus grande place parmi nous en l’adorant !

 

Adorer

« Nous avons vu son étoile et nous sommes venus l’adorer »

Que signifie « adorer » ?

« Adorer Dieu revient à lui dire « tu es tout » …mais implique également que l’on ajoute « moi je ne suis rien ».3

Adorer signifie mettre Dieu en premier, comme Jésus l’a fait en tant que Fils. Lui qui est le « Dieu fort et le Prince de la paix » (Es 9,5) s’est fait rien, il a renoncé à lui-même pour être un humble serviteur ; « il s’est anéanti » pour donner à Dieu toute gloire en servant. (Phil 2)

Il nous montre le chemin de l’adoration : « Il faut qu’il grandisse et que je diminue » (Jean 3,30).

Cela va à l’encontre de la modernité qui met à la place de Dieu le travail, le sport, les loisirs. Et qui divinise l’état-Providence duquel on attend tout.

Dans le récit de l’évangile, le roi Hérode se met à la place de Dieu. Il pense « Je suis tout, tu n’es rien« . La conséquence est qu’il ment, qu’il a peur et qu’il finira par exercer une violence terrible en massacrant des enfants.

A l’opposé d’Hérode les vrais dirigeants sont appelés à exercer leur pouvoir dans l’humilité et le service, le droit et la justice.

L’humilité est la pierre de touche d’un responsable quel qu’il soit. Ce sont l’humilité et le service, ces deux vertus – pleinement incarnées par Jésus – qui construisent l’unité.

Adorer Dieu signifie aussi revoir nos priorités en donnant à Dieu la première place.

Prenons le temps de réfléchir quelles sont nos priorités !

En s’agenouillant devant le Christ et en l’adorant, les mages ont reconnu qu’il avait plus de valeur que toutes leurs richesses et tout leur savoir. C’est pourquoi ils lui ont offert des présents avec une grande générosité.

Anba Thomas, le fondateur du monastère d’Anafora en Égypte, remarque que si nous mettons Dieu en premier, nous serons remplis de joie et donnerons avec générosité. La joie et la générosité sont les signes que nous avons choisi Dieu comme notre priorité.4

 

Envoi : « une autre route »

A la fin du récit, avertis par un ange, les mages rentrent chez eux par une autre route.

Prendre une autre route, c’est aussi ce à quoi les Églises sont appelées.

Toutes les Églises doivent aujourd’hui prendre une autre voie. La nôtre aussi.

Il n’y a pas une seule Église qui ne doive pas se repentir et être purifiée.

Le Conseil des Églises du Moyen Orient écrit : « Marcher en empruntant de nouveaux sentiers est une invitation à la repentance et au renouvellement de notre vie personnelle, nos Églises et nos sociétés. Suivre le Christ est notre nouveau chemin et, dans un monde instable et en mutation, les chrétiens doivent rester aussi immuables et déterminés que les constellations et les planètes qui scintillent ».

C’est par-dessus tout un chemin d’humilité. Chercher Dieu dans les humbles, en passant par les petits chemins de l’amour comme le dit si bien la grande poète Marie Noël :

« Par les petits chemins nous passerons,

Nous qui sans fin petites gens serons,

Par les chemins usagés de l’Amour,

Avec nos pauvres pieds de chaque jour ».[5]

Prendre une autre route est une nécessité pour tracer de nouveaux chemins pour réunir les chrétiens, aujourd’hui.

« Ce nouveau chemin, lit-on encore dans le texte du Conseil des Églises du Moyen Orient, est celui de l’unité visible qu’il nous fait rechercher avec courage et audace, au prix de sacrifices… » 6

Récemment, j’ai marché sur deux de ces nouveaux chemins, me semble-t-il.

Le premier m’a conduit au monastère d’Anafora en Égypte pour une rencontre organisée par le mouvement JC2033 qui invite les Eglises à préparer ensemble les 2000 ans de la résurrection de Jésus en 2033. Une semaine de grâce vécue avec des chrétiens et chrétiennes de tous horizons et de quatre continents dans ce lieu béni. Mais surtout avec des chrétiens égyptiens dont j’ai découvert la foi.7

Le deuxième m’a mené à Leysin où j’ai participé au Forum chrétien romand qui a réuni des frères et des sœurs de toutes les Églises de Suisse romande. Nous avons partagé nos itinéraires de foi avec le Christ, ce qui a eu comme résultat de susciter une belle amitié spirituelle entre nous.8

Deux chemins nouveaux qui ont renouvelé mon espérance et mon amour pour l’Église une du Christ laquelle est déjà une réalité, mais que nous avons à manifester en nous rencontrant les uns les autres dans Son Esprit !

 

Prendre une autre route

Les mages ont pris une autre route pour rentrer chez eux.

Tu connais tous nos chemins, Seigneur,

chemins de traverse et impasses,

chemins de vie et de lumière.

Sauve-nous de nos égarements et que nous n’égarions pas !
Affermis-nous et conduis-nous dans tes chemins !

Tu connais aussi, Seigneur, les chemins de ton Église.

Les chemins de divisions, de compromis et de tiédeur

qui ne mènent nulle part.

Chaque Église a besoin de repentance et de purification.

La nôtre n’est pas meilleure ni supérieure aux autres.

Garde-nous de tout orgueil et dans l’humilité !

Désormais nous voulons marcher avec toi, le roi doux et humble,

et les uns avec les autres dans l’accueil réciproque

et considérer les autres comme supérieurs à nous.

Révèle-nous, au fur et mesure que nous avançons, cet autre chemin

et que nous ne rentrions pas chez nous comme avant !

Donne-nous un nouvel élan pour vivre l’esprit de tes Béatitudes :

Heureux les pauvres et les doux, heureux les assoiffés de justice et les miséricordieux,

heureux les artisans de paix et les cœurs purs, heureux les persécutés à cause de toi !

1 https://unitedeschretiens.fr/wordpress/wp-content/uploads/2021/10/2022-Pre%CC%81sentation.pdf

2 Unité des chrétiens, oct 2021, p. 12

3 Parole de Vie, Janvier 2022 – https://www.parole-de-vie.fr/2021/12/janvier-2022-nous-avons-vu-son-astre-a-lorient-et-nous-sommes-venus-ladorer-matthieu-22/

4 Unité des chrétiens, oct 2021, p. 16

5 https://enpassant-englanant.blogspot.com/2014/09/en-musant-marie-noel-par-les-petits.html

6 https://unitedeschretiens.fr/wordpress/wp-content/uploads/2021/10/2022-Pre%CC%81sentation.pdf

7 https://jc2033.org/fr/news/blog/524-2021-anafora.html

8 https://romandie.forumchretien.org/forum-leysin-2021/


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