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Noël et la fête d’Hanoukka

« C’était l’hiver et l’on célébrait à Jérusalem la fête de la Dédicace », dit l’Évangile de Jean (10,22). Jésus était dans le Temple de Jérusalem et, dans ce cadre, il affirme la parole la plus forte concernant son identité : « Moi et le Père nous sommes un » ! Au risque d’être lapidé ! Mais quelle est cette fête de la Dédicace (ou « Hanoukka ») que nos amis juifs fêtent cette année du 22 au 30 décembre ? Et quel lien peut-on faire avec la fête de Noël ?

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Un livre « deutérocanonique ».

Le deuxième livre des Maccabées parle de l’institution de cette fête en l’an 165 avant JC. Ce livre fait partie de la collection des « Deutérocanoniques » quin’ont pas le même statut que les autres livres bibliques. Les protestants les ont redécouverts après une éclipse de presque deux siècles. En effet les Bibles éditées à la Réforme du 16e siècle les contenaient et recommandaient leur lecture, sans leur donner le même poids que les autres textes. Mais la politique d’édition des Sociétés bibliques a renoncé à les publier pour des raisons économiques, au début du 19e siècle. Cependant les éditions œcuméniques depuis 40 ans les ont réintégrés. C’est ainsi que la Traduction œcuménique de la Bible et la Bible en Français courant contiennent ces textes.

D’autre part ce ne sont pas seulement pour des raisons historiques que l’on devrait lire ces textes, mais aussi spirituelles. En effet ces textes ont été intégrés dans l’antique traduction grecque de l’Ancien Testament – « La Septante ». C’est cette traduction qui a été la Bible des auteurs du Nouveau Testament. Ces derniers ont cité plusieurs textes deutérocanoniques. Si on veut donc comprendre certaines pages du Nouveau Testament, il faut donc lire ces textes.

 

Hanoukka

Mais avouons que nous n’y sommes pas habitués! Pourtant si on veut savoir quelle est cette fête de la Dédicace (ou Hanoukka) que Jésus fréquente, il faut se tourner vers le livre des Maccabées. On y apprend que cette fête commémore la ré inauguration du culte après que le temple de Jérusalem ait été profané. Cette dédicace a duré huit jours. Ensuite les prêtres ordonnèrent de célébrer cette fête chaque année.

Cette fête instituée par des hommes n’a donc pas le même statut que les « fêtes de l’Éternel » instituées par Dieu dans la Torah, mais elle a gardé une importance jusqu’à aujourd’hui chez le peuple juif.

Je vous propose d’y voir deux sens : la fête du non-conformisme spirituel et la fête de la lumière et de la vie. Puis j’essayerai de faire le lien avec Noël.

 

Fêtes du non-conformisme spirituel

Hanoukka

Au deuxième siècle avant notre ère, la culture grecque avait une influence grandissante sur le peuple juif. Le roi Antiochus IV avait même ordonné l’interdiction des traditions juives comme la circoncision et les lois alimentaires. Le comble fut la profanation du temple de Jérusalem qui fut dédié à Zeus et où des porcs étaient sacrifiés.

Mais le plus grand malheur a été qu’une majorité de la population s’était conformée à la philosophie et à la culture grecque.

Seul un petit groupe résistait à cette pente qui semblait irrésistible. Il était mené par Judas Maccabée. Avec ses hommes, ils ont réussi à chasser les grecs et ont rétabli le culte du temple.

Quel est le sens de cet épisode ?

D’abord il fait prendre conscience que la culture et les idéologies ont une emprise sur le peuple de Dieu. Quand le monde entre en lui, il le divise et l’affaiblit. Si au temps des Maccabées la culture grecque exerçait une forte influence, quelle philosophie influence l’Église aujourd’hui ?

A chaque époque de son pèlerinage, le peuple de Dieu doit discerner quels sont les lieux de résistance. Quel sont-ils aujourd’hui dans notre Europe occidentale sécularisée et postchrétienne ? Quelles sont les tentations de conformisme spirituel et moral ?

Deuxièmement, le non-conformisme commence avec un petit groupe uni et motivé. Au temps d’Elie, Dieu lui avait promis que six milles hommes n’auraient pas plié les genoux devant Baal. C’est avec douze personnes que Jésus a lancé la révolution évangélique. François d’Assise a réformé l’Église avec quelques frères. De même la réforme du 16e siècle était un mouvement modeste au commencement. Il ne faut pas non plus s’attendre à ce qu’un mouvement de renouveau suscite une adhésion forte et immédiate, mais plutôt de l’opposition.

Troisièmement si le peuple juif s’était conformé aux ordres d’Antiochus, il se serait fondu dans la culture grecque. Il aurait cessé d’exister en tant que peuple qui a comme vocation de servir Dieu et de préparer la venue du Messie. Il en va de même pour nous aujourd’hui: une Eglise qui se conforme à la pensée du siècle présent risque de s’effriter et de perdre son autorité spirituelle. Le sociologue des religions Jörg Stolz a montré qu’une « Eglise trop libérale aura du mal à survivre »

 

Noël

Noël, fête du non-conformisme ? En quel sens ? Joseph et Marie se soumettent à l’ordre de l’empereur d’aller se faire recenser à Bethléem. Dans ce sens, ils se « soumettent aux autorités » (Rom 13,1). Mais peu après ils résistent à Hérode et fuient en Égypte quand celui-ci en veut à la vie de leur enfant.

De même les mages ne se conforment pas à l’ordre d’Hérode de revenir vers lui pour lui dire où se trouve l’enfant roi. Dieu les avertit dans un songe de rentrer chez eux par un autre chemin. (Mat 2,12).

Résistance et soumission : quelle dialectique ! Tantôt nous avons à nous soumettre, tantôt nous avons à pratiquer la résistance non-conformiste.

Impressionnante est la parole de Paul. Après avoir affirmé notre salut dans notre union au Christ (dans les onze premiers chapitres de sa lettre aux Romains), ses premiers mots aux romains sont un appel au non-conformisme et au discernement : « Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. Vous discernerez alors ce que Dieu veut : ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait » (Rom 12,2).

Mais comment discerner le chemin à prendre aujourd’hui : ce qui est bien, agréable et parfait ?

Il faut que Dieu vienne lui-même à nous et nous donne un esprit de discernement.

Et c’est le deuxième sens d’Hanoukka et de Noël.

 

Fêtes de lumière et de vie

Hanoukka

Le symbole de la fête juive d’Hanoukka est un chandelier à neuf branches appelé « Hanoukkia ». Il rappelle le miracle de l’huile qui a brûlé pendant huit jours sur le chandelier, selon une tradition talmudique (Megillat Taanit).  

Avant de rétablir le culte quotidien dans le temple, les prêtres avaient découvert une fiole d’huile consacrée dont le contenu suffisait pour illuminer durant une journée seulement. Mais l’huile a brûlé pendant huit jours. Un signe que le main Dieu bénissait cette initiative.

Dès lors durant huit jours on allume une des branches du chandelier. La lumière du tronc du chandelier est le « serviteur » et sert à allumer les huit autres branches.

Ce chandelier à neuf branches rappelle, bien entendu, le chandelier à sept branches – la menora – qui se trouvait dans le temple. Il est un des symboles les plus importants du judaïsme.

Il est en fait un arbre de vie stylisé et symbolise la communion avec Dieu. Dieu est lumière et vie et par grâce il nous rétablit dans sa communion. Alors qu’Adam et Ève en avaient été éloignés, Dieu dans son amour nous donne à nouveau accès à l’arbre de vie. C’est le sens de ce chandelier.

Le premier geste des Maccabées après avoir recommencé le culte était de se jeter face contre terre et d’implorer la miséricorde divine (2 Macc 10,4). C’est la demande de pardon qui allume en nous la lumière et le feu de l’amour de Dieu que le chandelier symbolise!

 

Noël

La venue de Jésus est associée à la lumière : « Le peuple qui vit dans la nuit verra une grande lumière » (Mat 4,15). Il est « la vie et cette vie était la lumière des hommes » (Jean 1,4)

Le récit de Noël chez Luc met en scène « la gloire de Dieu qui entoure de lumière » des bergers. (2,9) Un ange leur annonce la naissance du Messie.

A travers lui, l’humanité connaîtra son sauveur, celui qui la rétablit dans la communion avec Dieu.

Jésus dira de lui-même qu’il est « l’arbre vert » (Luc 23,31).

Il s’est donc compris comme l’arbre de vie, qui symbolise la communion avec Dieu.

Jésus est le chandelier – la menora et la hanoukkia. Il est notre lumière et notre vie, celui par qui Dieu nous réconcilie avec lui.

Souvenons-nous de cela quand nous mettons des sapins dans nos maisons ou dans nos Églises ! Ils représentent l’arbre de vie, le Christ, qui sur le bois de la croix a pris sur lui nos fautes et qui par sa résurrection nous ouvre le paradis. Déjà les mystères du Moyen Age comprenaient ainsi le symbolisme de l’arbre.

A Noël commence à luire une lumière qui ne s’arrêtera jamais, celle du Messie parmi nous. Même sa mort n’a pas pu l’arrêter puisqu’il est ressuscité. C’est la même lumière qui a embrasé les cœurs de ceux qui se sont approchés de l’enfant dans la crèche, les cœurs des disciples d’Emmaüs et tous ceux qui aujourd’hui se confient en sa promesse : « là où deux ou trois sont réunis en mon nom je suis au milieu d’eux » (Mat 18,21)

Que cette lumière nous donne de résister contre les idéologies comme les Maccabées, de pratiquer le non-conformisme évangélique comme Paul, de discerner la volonté parfaite de Dieu et d’avoir le courage de témoigner devant le monde que Jésus est la lumière du monde ! 

 

Une prière

Tant d’idées et de nouvelles, justes ou fausses,

traversent notre monde et ton Église, Seigneur.

Comme jamais l’humanité communique,

friande de nouveautés et d’émotions.

Comment trier entre la vérité et le mensonge ?

Comment discerner ta volonté juste et bonne ?

Tu nous appelles au non-conformisme selon l’Évangile

et à nous laisser éclairer par ta présence parmi nous.

Pardon d’avoir mis tant de fois ta lampe sous le boisseau !

Pardon pour la séduction que les idéologies exercent sur nous !

Dans ce moment de recueillement, accorde-nous le silence intérieur

et de reprendre conscience de ton appel !

Que ta parole nous rejoigne dans nos profondeurs !

Greffe-nous sur toi, l’arbre verdoyant de vie

et que les branches de ton chandelier nous illuminent !


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