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Fécondité, productivité et stérilité

La loi de la vie est de grandir et de multiplier. Dès sa fécondation, les cellules de l’être humain se multiplient et celui-ci se développe. Après sa naissance l’enfant ne cesse de croître jusqu’à sa taille d’adulte.

« Ceux qui demeurent en moi et en qui je demeure porteront beaucoup de fruits », dit Jésus. (Jean 15,5).

 Après les vacances de cet été j’ai été frappé de voir combien mes petites filles ont grandi en l’espace d’un mois où je ne les ai pas vues.

Grandir, se multiplier, telle est la loi de la vie que le récit des origines établit. La fécondité est le fruit de la bénédiction divine. Au premier couple qui représente l’humanité, Dieu dit en les bénissant : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la ».

Jésus reprend ce thème de la fécondité :

« Ceux qui demeurent en moi et en qui je demeure porteront beaucoup de fruits » (Jean 15,5).

« Fécondité », ce mot peu fréquent dans notre langage courant nous met en contact avec notre potentiel humain le plus riche, celui de donner la vie.

La fécondité ne désigne pas seulement la capacité d’engendrer physiquement des enfants, mais a surtout une dimension spirituelle. La fécondité est tout ce qui fait grandir l’amour, la paix et apporte la vraie joie parmi nous.

Or ce qui doit grandir avant tout est l’amour réciproque entre nous. C’est le contenu de la prière de Paul :

« Ce que je demande dans mes prières, c’est que votre amour abonde de plus en plus en connaissance et en vraie sensibilité » (Philip. 1,9)

Mais l’absence de fruits, le sentiment d’inutilité, une existence ennuyeuse sont causes de souffrances.

La fécondité au contraire est source de joie et apporte la paix.

 

Fécondité et stérilité

Quel est le contraire de la fécondité ? C’est la stérilité.

Elle est un sentiment d’inutilité et de doute sur soi qui finit par éteindre tout désir de croissance.

S’ennuyer au travail est un symptôme de cette maladie spirituelle.

Qu’est-ce qui produit ce sentiment de stérilité ?

Je pense que c’est la peur.

Dans la parabole des talents, celui qui avait enterré les talents qu’il a reçus du maître a été stérile. Il l’a fait parce qu’il avait peur de son maître.

La confiance produit la fécondité. La peur la stérilité.

C’est pourquoi Jésus appelle si souvent à la confiance dans l’Evangile.

« Que votre cœur ne se trouble pas, ayez confiance en Dieu et en moi », dit-il juste avant de parler de la fécondité. (Jean 14,1)

La peur est un de ces sarments qui ne porte pas de fruits. Il doit être coupé pour que nous devenions féconds :

« Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il porte encore plus de fruit » (Jean 15.2)

Voici ce qu’écrit Henri Nouwen dans un livre consacré à ce thème de la fécondité :

« La stérilité est avant tout une blessure spirituelle. L’Esprit de Dieu est un esprit créateur, qui s’exprime toujours en vie nouvelle. Quand cet Esprit est étouffé par la peur, nous nous accrochons à ce que nous possédons et nous cessons de grandir ».[1]

La femme samaritaine vivait à l’écart, rejetée par les autres. Mais suite à la rencontre avec Jésus, elle témoigne sans peur dans son village.

Jésus l’a libérée de sa peur. Elle porte maintenant du fruit : ses concitoyens se tournent vers Jésus.

 

Fécondité n’est pas productivité

La peur produit non seulement la stérilité, mais aussi la fuite dans la productivité. La fécondité est autre chose que la productivité.

Le fruit est autre chose que le produit.

Quand la peur domine notre vie, nous nous inquiétons de notre valeur en tant que personnes et nous nous préoccupons de la production d’œuvres.

Nous sommes aussi très blessés lorsque les gens critiquent ce que nous faisons.

Dans la parabole de l’invitation au festin, tous ceux qui refusent l’invitation sont préoccupés de leurs œuvres.

Ils s’occupent de beaucoup de choses, mais pas dans une relation avec Dieu.

« Sans moi, vous ne pouvez rien faire », dit Jésus.

Sans lui, nous pouvons certes produire beaucoup. Mais avec lui, nous sommes féconds, ce qui est très différent !

Nous faisons peut-être moins en termes de quantité, mais c’est la qualité qui compte.

Sans lui, nous produisons afin d’être acceptés par les autres.

Des œuvres, des œuvres, des œuvres !

L’activisme, cette autre maladie spirituelle d’aujourd’hui a sa racine dans ce besoin d’être aimé par les autres, dans la peur d’être rejeté.

Ce que nous avons produit nous donne l’impression d’être acceptés par les autres.

 

Faire tout avec le coeur

Travailler avec des malades, des personnes âgées, des réfugiés, des enfants, des personnes qui ont un handicap nous fait découvrir autre chose.

Ces gens qui ne sont pas « productifs » nous font découvrir combien nous sommes attirés par le succès.

Au contraire avec des personnes qui sont simples et dépendantes, il faut simplement « être ». Elles deviennent nos maîtres. Elles nous enseignent que la productivité et autre chose que la fécondité.

Elles nous enseignent que l’important n’est pas tant ce que nous faisons, mais la manière de le faire.

Que l’important est d’aimer le Christ en toutes choses et en toutes personnes.

« Faites tout avec le cœur » et que tout soit l’occasion de faire grandir l’amour dit Paul. Sa prière constante est que grandisse l’amour en nous et entre nous.

Si nous faisons confiance à l’amour de Dieu, les fruits apparaissent. La confiance nous libère de la peur qui nous enferme soit dans la stérilité ou dans la productivité.

La confiance, c’est exposer sa vie à la lumière du Christ.

Il est là présent parmi nous.

Avec lui, nous pouvons traverser les saisons de notre vie spirituelle.

Après l’hiver où il nous émonde de nos sarments stériles ou folâtres, il fait bourgeonner en nous le printemps de sa promesse si nous vivons sa Parole.

Et puis sa présence dans la prière, la louange et l’eucharistie est le soleil de nos étés.

La communion avec lui fait apparaître les fruits que nous recueillerons dans nos automnes.

Ces fruits sont finalement un seul : « le fruit de l’Esprit », c’est l’amour.

Alors prions pour que notre amour grandisse de plus en plus et porte le fruit de l’Esprit ! Et marchons dans l’amour !

« Ceux qui demeurent en moi et en qui je demeure porteront beaucoup de fruits »

 

Une prière inspirée de cet Evangile 

Tu nous as créés pour que nous portions du fruit

Tu nous as parlés pour que nous chantions ta beauté

Tu nous visités pour que nous nous accueillions

Tu nous as sauvés pour que nous fassions le premier pas

Tu nous as guéris pour nous prenions soin les uns des autres

Tu nous réconciliés pour que nous appartenions à une seule famille

Tu nous as pardonné pour que nous sachions dire « pardon »

Tu nous as unis pour que nous résistions à tout ce qui divise

Tu nous as remplis de ton Esprit pour que nous construisions ensemble

Tu nous as lavé dans le baptême pour que nous vivions pour toi

Tu nous as partagé ton pain et ton vin pour que nous soyons un seul corps

Seigneur, dans ce moment de silence,

Donne-nous de reconnaître tout ce que tu as fais pour nous.

Devant toi, nous déposons ce que nous avons vécu sans toi.

Avec toi nous voulons désormais vivre.

[1] Signes de vie. Intimité, fécondité et extase dans une perspective chrétienne.

 


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