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Les trois piliers de la vie spirituelle

Hier, j’ai commencé un jeûne d’une semaine dans le cadre d’un groupe que j’accompagne depuis plus de 15 ans. (voir ici ) Cette année, nous sommes 14 personnes qui se réunissent chaque soir pour un temps de partage, d’encouragement et de ressourcement spirituel.
Depuis fort longtemps, je réfléchis sur la place du jeûne dans la vie spirituelle. Le protestantisme l’avait évacué, contrairement à d’autres traditions chrétiennes. Dans l’Islam, il est même un des cinq piliers.
Lorsque tu fais l’aumône (ou donne de l’argent à ceux qui sont dans le besoin)… lorsque tu pries…lorsque tu jeûnes”. C’est ainsi qu’est construit le passage de l’Evangile de Matthieu (Chap. 6) sur l’aumône, la prière et le jeûne. Pour Jésus, la vie religieuse repose sur ces trois piliers. Ces piliers portent tout l’édifice du sermon sur la montagne. En effet ce passage sur l’aumône, la prière et le jeûne se situe exactement au centre du Sermon sur la montagne.
Ces trois piliers correspondent au triple commandement d’amour donné par Jésus :
– la prière : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta force et de toute ta pensée. » Le premier commandement exprime notre relation avec Dieu.
– L’aumône : « Tu aimeras ton prochain… » Notre relation avec le prochain est exprimée par l’aumône.
– Le jeûne : « comme toi-même. » Le jeûne signifie notre relation avec nous mêmes.
La même idée se trouve dans la triade « sobriété, justice et piété » dans la lettre à Tite : « Car elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes. Elle nous enseigne à renoncer à l’impiété et aux désirs de ce monde, pour que nous vivions dans le temps présent avec réserve, justice et piété, en attendant la bienheureuse espérance et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ ». (Tite 2,11-13) La sobriété indique la relation avec soi-même, la justice celle avec notre prochain, la piété celle avec Dieu.
On retrouve encore ces trois piliers dans le récit de la Tentation de Jésus. Dans les trois tentations, le diable essaye de séduire Jésus en tordant le sens des trois relations fondamentales avec Dieu, avec l’autre et avec nous-mêmes.
Le jeûne : Après 40 jours de jeûne, Jésus a faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, dis à ces pierres : « Changez-vous en pains ! » Le diable attaque Jésus dans sa faim, dans sa relation avec soi-même. Jésus répond que l’homme ne vivra pas de pain seulement mais de le parole de Dieu
La prière : La deuxième tentation concerne la relation de Jésus avec la confiance en Dieu. Le diable l’invite à provoquer Dieu en se jetant du sommet du temple. Jésus y résiste en citant à nouveau l’Ecriture sainte.
L’aumône : La troisième tentation en est la perversion. Le diable montre toutes les richesses du monde à Jésus et lui promet de les lui donner s’il se met à genoux devant lui. Cette tentation exprime notre relation avec l’argent. Et notre relation avec l’argent signale notre relation avec notre prochain.
Trois piliers de la vie spirituelle : l’aumône, la prière et le jeûne. On pourrait aussi parler des trois angles d’un triangle, qui sont Dieu, le prochain et moi-même. Donner de son argent à ceux qui sont dans le besoin exprime le mieux ma relation avec le prochain. Mais il existe, bien sûr, d’autres manières d’être en relation avec autrui. Prier exprime le mieux ma relation avec Dieu. Jeûner exprime symboliquement la relation avec moi-même.
Un Père de l’Eglise (Pierre Chrysologue, + 450) disait à ce sujet : « Prière, secours des malheureux, jeûne, ces trois choses n’en font qu’une ; l’âme de la prière, c’est le jeûne ; la vie du jeûne, c’est de secourir les malheureux. » Pour les Pères, comme déjà pour l’Ancien Testament (cf Esaïe 58.3ss), le vrai jeûne suppose la miséricorde qui donne, le vrai jeûne nous ouvre à la prière. Il est une manière de confesser notre foi dans un Seigneur venu dans l’humilité. L’Eglise jeûne avec Jésus qui a jeûné, elle vit dans l’humilité avec lui pour être glorifiée avec lui.
Jésus désire nous introduire dans la relation de confiance qu’il a avec son Père. Tout le sermon sur la montagne nous parle d’une relation personnelle et intérieure possible avec ce Père qui est très proche. Jésus invite à vivre sous son regard la vie spirituelle avec ses trois piliers. Il invite à bâtir ces piliers sans se préoccuper du jugement de l’homme. Il appelle à vivre sous le seul regard du Père.
Au centre du centre du Sermon sur la Montagne, il y a le Notre Père, avec l’insistance sur l’exigence du pardon. Car chez Matthieu après avoir prié « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, Jésus ajoute : En effet, si vous pardonnez leurs fautes aux autres, votre Père qui est dans les cieux vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux autres, votre Père ne vous pardonnera pas vos fautes non plus. »
L’insistance sur le pardon est là pour bien nous faire comprendre que sans le pardon envers ceux qui nous ont blessés, rien n’a de la valeur, aucune pratique aussi religieuse soit-elle. Donner son argent aux pauvres, la prière et le jeûne doivent être accompagné d’un désir de vivre en paix avec tous, d’ôter toute amertume dans notre cœur, de clarifier nos relations avec tous.
Martin Hoegger

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