billet de 100Fr. S. Martin

Prédication pour le jour de la Saint Martin (Matthieu 25)

Saint Martin et la fresque universelle du jugement des nations en Matthieu 25.

Saint Martin sur un ancien billet suisse

Seigneur, il y a plus de 2000 ans, dans la plénitude des temps,
Tu as choisi de devenir un enfant.
Tu as connu la fragilité d’un nouveau-né.
Devenu un adulte, tu as pris un enfant dans tes bras
Et tu l’as placé au milieu de tes disciples, leur disant :
« Celui accueille cet enfant en mon nom m’accueille moi-même et accueille celui qui m’a envoyé ».
Enfin sur ta croix, tu as vécu l’extrême fragilité.
Tu t’es alors identifié à tous les démunis de notre monde :
Les malades, les persécutés, les prisonniers, les exclus, ceux qui manquent du nécessaire.
C’est pourquoi, tu nous dis :
« Tout ce que vous avez fait aux plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».
Seigneur, fais-moi comprendre que ce frère, cette sœur,
C’est celui ou celle qui passe dans l’instant présent de ma vie.
En chacun tu m’attends et tu cries : « J’ai soif d’amitié ».
Ce cri du pauvre, je peux l’entendre aussi en moi, car moi aussi j’ai besoin d’amitié.
Seigneur, durant ce moment de silence,
Donne-moi d’entendre ce cri, d’y être sensible.
Pardonne et viens guérir mes surdités.
****
Esprit saint, accueille-nous dans ton pardon,
Esprit saint, guéris-nous de nos aveuglements,
Esprit saint, visites-nous dans nos prisons,
Esprit saint, rassasie notre faim de communion,
Esprit saint, désaltère notre soif d’amitié,
Esprit saint, revêts-nous de tendresse.

Ce grand texte de la fresque du jugement dernier (Matthieu 25,31-46) s’est comme imposé à moi pour ce jour. J’y vois quatre raisons. D’abord nous nous approchons de la fin de l’année de l’Eglise où des textes sur la fin des temps sont lus. Deuxièmement, nous sommes aujourd’hui le 11 novembre, qui est la fête de Saint Martin, chez qui ce texte a joué un rôle central. Ensuite, nous sommes au lendemain de la Semaine suisse des religions et ce texte nous dit quelque chose de la relation entre le Christ et tous les humains. Quatrièmement, dimanche prochain est celui de « l’Eglise persécutée ». Or le Christ s’identifie avec tous les chrétiens persécutés, comme il le fait avec les « plus petits d’entre ses frères », dont nous parle ce texte. Je vous invite donc à une promenade du dimanche en quatre étapes.

1. Un Christ glorieux mais si proche
Pour l’Eglise, l’année se termine un mois plus tôt que l’année civile. Le premier dimanche de l’avent est le premier de la nouvelle année. Or durant ce mois de novembre, on relit des textes qui nous parlent de la fin de toutes choses. Ce texte nous présente une fresque grandiose du retour du Christ dans sa gloire. Comment réagissons-nous à ce jugement qu’il exercera entre ceux qui ont pratiqué la miséricorde et ceux qui ont fermé leur cœur ? Ce dimanche est pour moi l’occasion de me rappeler que ma vie est courte et fragile. Que tout à l’heure, ou demain peut être, viendra le moment où je me présenterai devant le Fils de l’homme. Et la chose qu’il me demandera ne sera pas : as-tu été protestant, ou catholique, évangélique ou orthodoxe, mais : m’as-tu aimé dans la personne des plus petits de mes frères ?
Un Christ glorieux posera un jour à chacun cette grande question. Oui, mais aujourd’hui ce même Christ nous attend en chaque personne. Il est très proche et très bas, il crie sa faim, sa soif et sa solitude dans ceux qui vivent près de nous. Ce Christ a prouvé sa solidarité avec nous jusqu’au bout de la vie, jusqu’à la mort sur la croix. Se mettre à sa suite, c’est chercher à vivre comme Lui, qui a vécu ce qu’il a dit.

2. Saint Martin : « Tout ce que vous avez fait aux plus petits de mes frères… »
Je profite de vous rappeler que ce jour n’est pas seulement celui de l’Armistice, qui pour nous en Suisse n’a pas grand sens, mais qu’il est avant tout la fête de Saint Martin. Cette année, ce jour a une importance particulière puisqu’aujourd’hui s’ouvre « l’année Martin » (en particulier pour le diocèse de Tours…mais pourquoi pas pour tous ceux qui portent ce nom). Né en 316, on commémorera son 1700e anniversaire en 2016.
Je vous recommande de lire sa vie par Sulpice Sévère. C’est une sorte de 5e Evangile, qui relate tout ce que l’évêque de Tours a vécu : ses prières, son combat continuel contre l’Esprit du mal, son amour des pauvres, sa vie communautaire, son énergie pour évangéliser les campagnes, les miracles et le guérisons que Dieu a accomplies à travers lui. La vie de Martin a été le « Best-seller » absolu durant le Moyen Age en Occident. Chaque chrétien devrait la lire et la relire pour méditer comment le Christ peut aujourd’hui agir au milieu de nous.
« Tout ce que vous avez fait aux plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». C’est la Parole de Vie, que Martin a vécu. Il l’a entendue du Christ lui-même quand il lui est apparu après avoir donné la moitié de son manteau à un pauvre, qui mourrait de froid aux portes de la ville d’Amiens. C’est cette parole vécue et annoncée par Martin qui a évangélisé les campagnes de l’Europe. Elle nous rappelle que l’annonce de l’Evangile doit toujours être conjuguée avec l’attention à toutes les formes de pauvreté. Elle nous rappelle que c’est d’abord l’Evangile vécu qui compte, dans la patience, la simplicité, l’espérance. C’est le travail souterrain de germination de l’amour vécu parmi nous qui va produire un fruit de communion avec une multitude.

3. La semaine des religions en Suisse
Ce texte nous dit aussi qu’il existe une relation entre le Christ et chaque être humain : dans chaque personne qui souffre, il y a le Christ incognito. « C’est à moi que vous l’avez fait ». Il nous dit aussi une chose étonnante : que les personnes qui auront apporté aide et consolation s’entendront dire : « Venez les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume. » Tout homme, toute femme qui accomplira ces œuvres de miséricorde entrera dans le Royaume de Dieu, qu’il soit chrétien ou non. C’est ce que ce texte nous dit, puisqu’il s’agit d’une fresque du jugement universel où l’humanité entière est convoquée, pas seulement l’Eglise. Si pour nous chrétiens, Jésus-Christ est le seul chemin du salut, nous ne pouvons pas fixer de limites à ce salut. Dieu seul sonde les reins et les cœurs.
C’est dans cet esprit que j’ai vécu la semaine des religions, où les différentes communautés religieuses ont été invitées à ouvrir leurs portes pour accueillir des personnes d’autres traditions.
Cette semaine des religions a commencé avec une très belle prière de Taizé, dans la cathédrale de Lausanne, à laquelle les personnes d’autres religions étaient aussi invitées. Quelques unes ont découvert les chants de Taizé dans une cathédrale pleine à craquer ; elles ont vu comment les jeunes sont captivés par l’atmosphère de beauté spirituelle, de silence, d’intériorité ; elles ont entendu des paroles à la confiance, à la simplicité et à la réconciliation.
Chaque année, durant cette semaine, je visite quelques lieux d’autres religions où je réalise combien de choses nous sont communes, en particulier cette règle d’or invitant à « faire à autrui ce qu’on voudrait qu’il nous fasse ». On la retrouve dans une forme ou une autre dans chaque religion.
Cette règle nous invite à nous mettre à la place de l’autre, et de rencontrer chaque personne dans cet esprit. N’est-ce pas une forme de cette règle que Jésus nous donne dans ce texte : « J’avais soif et vous m’avez donné à boire, nu et vous m’avez vêtu, malade et prisonnier et vous m’avez visité ». Mais ici il va encore plus loin pour nous inciter à vivre cette règle d’or : nous seulement il nous appelle à nous mettre à la place d’autrui, mais c’est lui-même qui se met dans le frère et la sœur.

4. Le dimanche de l’Eglise persécutée.
Enfin dimanche prochain est celui de « l’Eglise persécutée ». La Parole que nous avons méditée «…c’est à moi que vous l’avez fait »… nous est particulièrement rappelée par les chrétiens qui souffrent à cause de leur foi. L’apôtre Paul a appris lors de sa conversion que Jésus est particulièrement présent dans les chrétiens persécutés. Jésus lui a dit, à lui qui persécutait l’Eglise : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes ».

Nous voici au bout de cette promenade où nous avons fait quatre haltes. Regardons encore rapidement les quatre photos que nous avons prises durant ces moments :

– 1ère Photo : ma vie est fragile. Celui qui m’accueille à la fin de ma vie est celui qui m’attend dans ceux qui marchent à mes côtés. C’est pourquoi je dois me hâter de vivre dans le pardon.
– 2e Photo : Saint Martin coupant son manteau en deux, dont l’exemple m’invite à vivre un Evangile de compassion, dans la simplicité, l’endurance et l’espérance d’un fruit.
– 3e Photo : L’invitation de la semaine des religions à aller de manière positive à la rencontre des personnes d’autres religions.
– 4e Photo : L’appel du dimanche de l’Eglise persécutée, à prier pour les membres souffrants du Corps du Christ.

Que le Seigneur verse en nous son amour pour que nos yeux le reconnaissent dans chaque frère et sœur qui se trouvent sur le chemin de notre vie.


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